Cette nouvelle répond à un défi lancé sur l’Atelier des Auteurs (ex Scribay) : écrire un texte, à partir d’un titre aléatoirement créé par un générateur auquel est associée une image de couverture, randomisée elle aussi. Après une douzaine de tentatives infructueuses, trop plates ou trop absurdes, je n’ai retenu que le premier terme du dernier titre proposé et l’image associée, car il m’a semblé que deux de ses éléments s’ajustaient au sujet : la fenêtre, évidemment ; il n’est pas de voyeur sans fenêtre, et les sièges. Celui de l’observateur invisible et celui du sujet observé ? Il me revient que j’ai déjà traité le thème du voyeurisme dans deux nouvelles : la première intitulée « Le Fou de Locronan » et la seconde « Annabel ». Jamais deux sans trois, donc. Mais vais-je être capable de sortir des sentiers déjà battus ? Allons, l’heure est venue de laisser l’imagination courir et nous emporter au gré de sa fantaisie. En route !
I
Je suis photographe. Écrivain aussi parfois. Et ce qui m’arrive aujourd’hui n’est pas banal : j’ai été chargé par mon employeur de créer le portofio d’une maison de maître qui vient de rentrer en portefeuille dans l’agence immobilière où je travaille à mi-temps.
Je me suis rendu à l’adresse que m’a donnée mon patron ce matin :
— 5 Passage d’Enfer, dans le 14e. C’est urgent, les déménageurs arrivent demain. Si on veut faire des photos avec les meubles, c’est aujourd’hui.
Je connais cette adresse. J’ai habité pas loin un studio en rez-de-chaussée pendant deux ans. Mais malgré les grilles aux fenêtres, je trouvais habiter au niveau de la rue un peu trop stressant.
Le Passage d’Enfer, c’est une de ces rues parisiennes « privatisées » en quelque sorte par leurs habitants, avec des grilles à l’entrée comme à la sortie. Il commence au 247 Bd Raspail, s’enfonce sur une centaine de mètres, puis décrit un coude à angle droit pour ressortir au 21 Rue Campagne Première.
— J’espère qu’on a le code pour rentrer dans le Passage, au moins.
Il me tend un post-it avec une suite de 3chiffres et 3 lettres et un trousseau de clés.
— Les proprios sont absents. Ils rentrent de New York après-demain.
— OK, ça marche.
Arrivé sur place, je tape sur le digicode les chiffres et lettres fournis. Un cliquetis se fait entendre : la gâche vient de libérer le pêne et je peux pousser la grille. La rue a conservé ses pavés à l’ancienne, de bons vieux gros pavés, usés et polis par cent soixante-cinq années de charrois de toutes sortes, depuis 1857, année de son ouverture.
Le n° 5 est en face de moi. Premier étage gauche. L’escalier est large, en pierre blonde, couvert d’un tapis bordeaux retenu à chaque contremarche par une barre de laiton terminée par des cabochons arrondis. Un large paillasson invite à nettoyer ses chaussures avant de monter. Dans un coin du hall, un ascenseur à la cage en bois sombre verni laisse luire ses cuivres sous les opalines d’un lustre à pendeloques imposant.
Je préfère prendre l’escalier. Les espaces restreints m’indisposent. Je dois être un peu claustrophobe.
La clé plate du trousseau ouvre une porte lourde comme celle d’un coffre-fort. Je reste interdit sur le seuil : cet appartement est un truc de malade ! Le décor est irréel : le plafond et les murs sont peints en noir mat et le plancher verni en blanc brillant. Une réplique du fameux canapé rouge créé par Salvador Dali en hommage aux lèvres de la pulpeuse actrice américaine Mae West occupe le côté opposé à celui de la porte. Tout cela est d’un kitsch luxueux, horrible et beau à la fois.
Je commence à shooter, avant même d’avoir installé des réflecteurs. Trois baies vitrées doubles, sans rideaux, ouvrent sur un balcon plutôt étroit, fermé par une balustrade en fer ouvragé, peint en fuchsia. Des petites tables, des bibelots, des tableaux de dimensions et styles divers, d’autres sièges complètent la pièce ; je n’ai retenu que le plus important. L’ensemble est hétéroclitement harmonieux.
Je cadre les fenêtres. Je zoome à travers les volutes de la balustrade. Et là, je reste coi.
II
Une femme. Une femme prend son bain, dans une baignoire ancienne aux pieds d’hippogriffe en bronze doré.
La pièce est carrelée de vert d’eau, du sol au plafond peut-être, avec un listel doré à hauteur de plinthe. Sans doute y en a-t-il un autre à hauteur d’homme. C’est l’usage.
Je vois cela parce que la verrière possède trois panneaux. Les deux latéraux sont des vitraux colorés translucides, mais celui du centre est en verre blanc avec un store occultant à demi relevé.
Il se trouve que d’où je suis celui-ci dissimule à ma vue la tête de la baigneuse. Et je ne vois donc que son buste et ses genoux émergeant de l’eau mousseuse de la baignoire.
J’appuie sur le déclencheur sans réfléchir. Mon écran de visualisation m’affiche l’image d’une poitrine jeune encore, mais pas juvénile, me semble-t-il. Je zoome. Des seins hardis, aux pointes dressées, aux aréoles assez claires, sur une peau parsemée de taches de rousseur. Ma baigneuse se savonne avec une éponge qu’on dirait naturelle. Je passe en mode rafale. Deux jambes que je trouve admirables sortent de l’eau tour à tour et sont savonnées, puis rincées avec une douchette à poignée dorée. Pour le dos, ma baigneuse s’aide d’une brosse munie d’un long manche en ivoire, serait-il logique, pour rester dans le style.
Elle ne va pas tarder à sortir du bain. J’aperçois un pan de peignoir aux motifs japonisants, posé sur un pouf. Les seins de ma baigneuse sortent du cadre. Une toison bouclée y entre. C’est une vraie rousse.
III
Et là, si vous pensez que je mitraille en gros plan et vais vous donner des détails, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Car je relève mon appareil sans déclencher. C’est contraire à l’habitude d’un photographe de rue et j’en suis le premier étonné. J’ai eu soudain la sensation désagréable d’avoir franchi une limite, d’être entré en terre interdite, d’avoir violé une intimité. Je sais bien que ce n’est pas vraiment moi qui ai cherché à voir ce que j’ai vu, que c’est mon sujet qui s’est déplacé, mais... je me sens mal à l’aise tout d’un coup.
Les secondes filent. Déjà ma baigneuse a passé son peignoir. Elle s’apprête à en nouer la cordelière autour de sa taille. Elle est assise à présent sur le pouf, mais le store me dissimule toujours sa tête. Je vois des mains longues et fines qui ajustent les revers du vêtement pour cacher les seins que je n’ai eu aucun scrupule à observer il y a quelques minutes.
Et déjà me vient le regret de leur vision. J’actionne le replay des images que j’ai saisies. Je me croyais un peu voyeur. Je le suis sans doute. Je me soupçonne désormais d’être aussi à tendance fétichiste, pas des pieds ni des mains, comme c’est courant, mais des seins de femme. Eux seuls, je le sais maintenant, me procurent une émotion, un plaisir qui ne sont pas seulement esthétiques, mais carrément sexuels.
Me voilà bien.
IV
J'ai revu les images de la baigneuse du Passage d’Enfer. Toujours avec le même plaisir. Et elles en appellent d’autres. Sous un motif fallacieux, j’y suis retourné dès le lendemain, à la même heure. Les déménageurs annoncés étaient là. Un monte-meuble était positionné devant le balcon. À mon arrivée, le canapé Maë West, emmitouflé de film-bulle, sanglé sur la plateforme, entreprenait sa descente vers le camion garé en bas. Mais le store de la verrière d’en face était baissé, complètement.
C’est plus qu’une déception. Une vraie frustration. Un besoin impérieux s’est emparé de moi, de plus en plus fort, d’heure en heure.
Trois jours déjà. Je réfléchis : où les femmes se dénudent-elles la poitrine, outre dans leur salle de bains ? Cinq réponses me viennent : le soir dans l’intimité de leur chambre, chez le médecin, à la boutique de lingerie, sur la plage, à la piscine.
J’écarte les trois premiers lieux. Trop compliqué. La plage, au téléobjectif, c’est faisable, mais ce n’est plus trop la saison et nous sommes à Paris. Par contre, la piscine…
Utiliser un portable en présentiel est risqué. Si je pouvais installer une ou des minicaméras dans les cabines pour femmes, je pourrais collecter des images à foison. J’en frémis. Je ne me souviens plus bien de la manière dont sont éclairées les cabines dans la piscine que je fréquente pas loin d’ici, sous le square Aspirant Dunand : néon au plafond ou éclairage classique ? Il faut que j’aille voir.
V
J’y suis allé dès le lendemain, vous pensez bien. Et la (mal) chance m’a souri. Toutes les cabines sont éclairées par un petit plafonnier hublot ovale muni d’une grille. Tout cela parce que ma piscine est ancienne, avec des cabines en dur, du sol au plafond. Et des portes bleues alignées sur deux étages de coursives autour du bassin couvert.
Dans les piscines d’aujourd’hui, les parois des cabines s’arrêtent à 2,20 m de haut environ et souvent ne commencent qu’à 20 cm du sol. Cela permet de n’éclairer que les couloirs. Les temps sont à l’économie et l’électricité en train de devenir un luxe.
On a ainsi facilité le travail des voyeurs au téléphone, mais, pris par leur sujet, ils finissent toujours par se faire repérer.
Pendant une demi-heure, j’ai enchaîné les longueurs pour dissiper l’adrénaline générée par cette nouvelle. Supprimer le verre du plafonnier. Qui remarquera que l’ampoule est à nu avec la grille ? Changer l’ampoule pour une avec caméra sans fil pilotable par téléphone et le tour est joué !
Il est probable que cela ne marche que lorsque l’éclairage sera allumé. Tant pis. Moindre mal. Espionner est devenu un jeu d’enfant, à la portée de toutes les bourses : une trentaine d’euros, je parie ! C’est inquiétant, quand même. Mais je sens bien que je vais succomber à cette facilité. D’ailleurs, j’ai déjà vérifié les conditions de dépose et repose.
Debout sur le banc fixé au mur, j’étais juste assez grand pour atteindre le plafonnier. La position était inconfortable, mais cette entreprise mérite bien quelques efforts. Il m’a suffi de dévisser les écrous moletés de la grille et du hublot pour vérifier le type de culot de l’ampoule : c’est du E27. En clair, gros culot à vis. Il ne doit pas s’agir du plafonnier d’origine, qui devait être muni d’une ampoule à baïonnette. La corrosion, sans doute… Décidément, j’ai de la veine : toutes les ampoules caméras sont munies de ce modèle plus récent de culot !
Il n’y a plus qu’à...
VI
En une dizaine de clics sur Internet, mon emplette est achevée. J’ai même droit à 20 % de réduction : 27,23 €. Je n’en reviens pas ! Ampoule caméra sans fil 1 080 P Mini Panoramique Fish Eye WiFi 360 Degrés LED Caméra IP Lampe IR Vision nocturne IR-CUT Vue Complète Prise en Charge pour Android/iOS APP Télécommande. J’ai beau être photographe, je ne comprends pas tout à ce descriptif. Je vais devoir télécharger le mode d’emploi, en anglais, bien entendu. Comme on m’annonce un délai de livraison de trois semaines (c’est dire la popularité du produit), cela va me donner le temps d’apprivoiser la théorie de cet appareil, avant de passer à la pratique. Mais que l’attente va être longue !
Sur les fils de séchage de ma chambre noire, j’ai accroché les tirages numériques couleur de mon premier sujet en format 20x30. Ici, je suis le seul à rentrer. La porte possède un digicode. Il me faut une série. J’ai hâte de voir quel type d’images va pouvoir me fournir ma future caméra-espion. Pour tromper l’impatience qui me gagne, je me plonge dans le travail, mais dès que je m’arrête, ces pensées obsédantes reviennent au galop et la contemplation des images déjà prises au 5 Passage d’Enfer ne fait qu’attiser les braises de mon désir.
Ah, elle porte bien son nom, celle-là ! Je suis à présent persuadé d’avoir franchi là-bas les portes de mon enfer à moi, mais pas du tout disposé à renoncer à mon funeste projet. J’ai bien tenté de retourner Passage d’Enfer, mais je n’ai plus les clés, mon patron non plus. L’appartement s’est vendu en huit jours à peine ! De la grille, au téléobjectif, j’ai observé celui qui fait face au n° 5, mais depuis le sol, inutile d’espérer voir autre chose qu’un bout de plafond.
Adieu, ma jolie baigneuse. De ce côté-là, c’est mort.
VII
Trois longues semaines se sont écoulées. J’ai enfin reçu mon joujou samedi et passé mon weekend à le faire fonctionner chez moi. Pas si simple. Il faut connecter l’ampoule à un réseau wifi de bonne qualité. Chez moi, ça va, c’est tout petit. Mais celui de la piscine sera-t-il accessible et le routeur assez proche ?
Sinon, c’est stupéfiant et décevant à la fois pour l’esthète que je suis. La définition des images est excellente et le pilotage par l’application téléphonique bien conçu, mais l’objectif fisheye déforme bien entendu toutes les lignes droites et il faudrait projeter les prises de vue sur un écran circulaire pour retrouver les angles. J’ai un peu peur du résultat sur mes sujets. Et là, pas d’objectif interchangeable. Je me suis peut-être emballé.
Je m’aperçois que je raisonne encore en photographe et pas en voyeur. Cela me rassure un peu. J’ai préparé mon sac de piscine. Il y a dedans un objet supplémentaire, enveloppé dans ma serviette. Je crois que c’est la première fois que je m’apprête à commettre un acte illicite, à part peut-être un larcin ou deux de bonbons quand j’étais gosse, et je n’en mène pas large !
C’est lundi, jour de relative affluence. Je passe le comptoir d’entrée, montre ma carte d’abonnement, passe le pédiluve, avant d’accéder à la cabine 213 dont j’ai la clé attachée à un bracelet plastique autour du poignet. Je suis dans les premiers. Au second niveau de la coursive, il y a peu de chances que l’on voie ma tête émerger par-dessus la porte de la cabine quand je vais changer l’ampoule. La chance est de mon côté. Personne en vue. Je rentre et grimpe aussitôt sur le banc. Trois écrous seulement retiennent la grille de protection et le hublot en verre. Je dévisse les molettes, retire la grille, ôte le hublot, dévisse l’ampoule et la remplace par celle que j’ai apportée. Je teste l’éclairage. Ça marche. Je replace la grille et revisse les écrous. Voilà, c’est fait. L’illusion est suffisante. Ouf !
Je connecte mon téléphone au réseau wifi de l’espace détente, partage la connexion et lance l’application. Merde ! Cette ampoule parle ! Heureusement, je peux couper le son. Activer le mode photo, régler l’intervalle de prise de vues. Enfin, miracle de la technique, je reçois sur mon téléphone, un cliché de moi, appareil en main. Ça marche ! Une fois en maillot, je peux passer à la douche avant de parcourir mes longueurs habituelles pour évacuer le surplus d’adrénaline causé par ces quelques minutes hors-la-loi. J’ai bien conscience que la suite relève surtout du hasard. Combien de chances y a-t-il qu’une femme se voie attribuer cette cabine sur les plus de deux cents que compte le complexe ?
Je me prépare sans doute plus de déconvenues que d’heureuses surprises. Mais les dés en sont jetés.
VIII
C’est bien ce que je craignais. Des heures de clichés sans intérêt à visionner. Et encore, j’ai éliminé les matinées où viennent à la piscine surtout des scolaires. Certains se changent vite fait. Ils n’ont peut-être qu’un créneau d’une ou deux heures, après le travail. D’autres prennent leur temps : retraités, inactifs, étudiants… Des grands, des petits, des minces, des gros, des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants. Quelques physiques avantageux, beaucoup de quelconques, très peu de repoussants. Ceux-là n’osent pas affronter le regard des autres nageurs. Je zappe en général dès la première image.
Un jour, au bout de plusieurs semaines, une chevelure rousse m’interpelle. Instinctivement, je décide de visionner toute la série. Et là, miracle de la chance, je reconnais, malgré la déformation due à l’objectif, les seins qui m’avaient ému Passage d’Enfer, les longues j’ambre fuselées et la toison rousse, les taches de rousseur, les aréoles claires : pas de doute, c’est elle.
Il s’agit d’une jeune femme d’une trentaine d’années, à la chevelure bouclée. Elle ne porte pas d’alliance. Je n’en reviens pas. Il est vrai que c’est la piscine la plus proche de chez elle : un quart d’heure à peine à pied. Et puis soudain s’impose à mon esprit l’inutilité de tout cela : comment entrer en contact avec elle ?
Je note la date, le jour et l’heure de la séquence. Tout ce que j’espère, c’est qu’elle fréquente la piscine à jour et heure réguliers et que je puisse à terme provoquer une rencontre. Après la veine immense dont je viens de bénéficier, je songe aussitôt que la chance repasse très rarement les plats qu’elle sert. Je suis donc plutôt pessimiste quant à la suite, mais cette nouvelle vision de ma baigneuse m’a ôté l’envie de mater davantage.
Et, dès que je peux, je retourne à la piscine avec l’intention de remettre en place l’ampoule et le globe de verre d’origine. Oui, sauf que j’ai oublié qu’on ne choisit pas sa cabine, en principe. Il me faut inventer une histoire de lentille de contact perdue pour qu’on me redonne la cabine 213. Malgré tout, ce stratagème simpliste fonctionne et je peux remettre l’éclairage dans sa configuration d’origine.
Finalement, je n’ai pas une vraie vocation de voyeur. C’est un énorme soulagement.
IX
Je ne suis jamais autant allé à la piscine que cet hiver-là. J’en ai même amélioré mon temps au 50 m nage libre de plusieurs secondes. J’ai essayé tous les jours de la semaine et toutes les heures que j’ai pu : avant le travail, à la pause de midi, après le travail et parfois même – ne le répétez pas – pendant les heures ouvrables. Le weekend également. Jamais je n’ai croisé dans les coursives, sur le bord du bassin, dans les lignes d’eau, à l’espace détente, la jeune femme aperçue Passage d’Enfer.
Le printemps venu, j’ai décidé la mort dans l’âme que je n’allais pas passer tous mes loisirs enfermé dans une piscine en sous-sol. J’ai renoncé. Et puis, un jour, on a carillonné à ma porte pour me remettre une lettre. Un exploit d’huissier. Recevoir ce genre de missive est toujours perturbant. J’ai senti les battements de mon cœur s’accélérer, mes mains devenir moites. C’était une citation à comparaître au tribunal judiciaire de Paris dans une affaire d’atteinte à la vie privée. Délit passible d’un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Je suis tombé des nues. Et je n’étais pas à la moitié de ma surprise ! Convoqué par Madame Pélissier Micaela, 34 ans, publicitaire, domiciliée 5 passage d’Enfer, Paris 14e. Les noms et prénoms de mon inconnue m’étaient fournis sur un plateau et je me retrouvais pieds et poings liés. Mais comment avait-elle pu savoir ? La suite de la convocation allait me le dire.
J’étais accusé d’avoir diffusé sur mon blog une photo volée tel jour à telle heure, dans sa salle de bains. Où avait-elle pu trouver ces informations ? J’avais oublié que sur ce blog où plusieurs centaines de personnes me font l’honneur de suivre mes activités, je publie une sélection de photos chaque mois. Effectivement, au mois de juin, j’avais par inconscience coupable posté dans une série de portraits de femme, un des clichés pris Passage d’Enfer (celui où ma baigneuse se savonne la jambe droite). Sans en supprimer les données EXIF11.
J’étais fait comme un rat ! Bien mal acquis ne profite jamais, disaient les Anciens.
Épilogue
Comme j’étais primo-délinquant, le Tribunal ne m’a condamné qu’à trois mois d’emprisonnement, peine aménageable, mais à 30 000 € d’amende, au regard de mon statut de photographe professionnel, censé être bien au fait des détails de la loi en matière de droit à l’image.
Depuis quinze jours, sous mon jogging d’entraînement, je porte un bracelet électronique. Du coup, je ne vais plus à la piscine. Je me suis mis à la course à pied. Et pour payer l’amende, j’ai dû vendre mon scooter tout neuf et demander un prêt personnel pour le solde. Je viens de prendre mon premier passe Navigo2.
Alors, je vous le dis : faites bien gaffe à ce que vous publiez sur Internet, ça peut vous coûter cher !
© Pierre-Alain GASSE, novembre 2022.
1 Exchangeable image file format (EXIF). La photo numérique permet aux appareils de consigner toutes les spécifications techniques et les paramètres de prise de vue des images sauvegardées. Ce sont les blocs EXIF. Il est possible d’y trouver les données suivantes : résolution, type de fichier, valeur d’ouverture/temps d’exposition/iso, rotation de l’image, date/heure, balance des blancs, miniature, focale, flash, objectif, type de fichier, type d’appareil photo, logiciel utilisé, heure de l’enregistrement et position GPS... entre autres.
2 Une carte Navigo (ou un passe Navigo avant 2014) est une carte à puce sans contact, qui sert de support pour certains forfaits d'abonnement utilisables dans les transports en Île-de-France sur les réseaux RATP, SNCF, Optile, Véligo, Autolib' (Paris). Île-de-France Mobilités est le propriétaire de la marque (D'après Wikipedia).
Vous êtes le ième lecteur de cette nouvelle depuis le 1er décembre 2022. Merci.
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