gerberoy1 gerberoy2 gerberoy3
gerberoy4

Rose de G.

gerberoy5

Ceci est une fiction, ayant pour décor un des plus beaux villages de France, à la fin du siècle dernier. En conséquence de quoi seuls les lieux sont authentiques. Tout le reste n’est qu’invention, pure invention et aucun habitant de Gerberoy ne saurait s’y reconnaître.

I

Il est en Picardie, aux confins nord du pays de Bray, une petite cité d’une centaine d’âmes, du nom de Gerberoy. Assiégée et incendiée plusieurs fois depuis sa fondation en 946, de son château ne subsiste plus aujourd’hui qu’une tour-porte et de ses murailles quelques modestes tronçons. C’est le prix que lui fit payer Henri IV durant les guerres de religion.

Isolée sur son ancienne motte féodale, ses rues pavées, ses maisons à colombages, en briques rouges ou en tuffeau, couvertes le plus souvent de tuiles, lui donnent aujourd’hui le charme suranné d’un refuge protégé des assauts du temps comme des drames de la vie. Telles sont du moins les apparences.

Là vivait, il y a peu encore, une jeune fille qui s’était promis un bel avenir. Elle avait pour nom Rose-Adélaïde Foulques de Tinville. Fille unique de noblaillons désargentés, après le décès de ses parents dans l’incendie jamais élucidé de leur gentilhommière, il lui fallut rapidement songer à s’établir.

Intelligente, mais rétive à l’étude, comme à toute autorité, après trois échecs successifs au baccalauréat, son bagage se réduisait à un certificat de fin d’études secondaires. Cependant, avec ses vingt ans, sa jambe bien tournée, sa taille cambrée, son joli minois et ses attaches nobiliaires, elle s’imaginait la tâche aisée.

C’est donc d’un cœur léger qu’elle s’inscrivit, sous le pseudonyme de « Rose de G. », sur l’un de ces sites de rencontres dites sérieuses qui commençaient à remplacer les agences matrimoniales d’antan.

Les prétendants ne se firent point attendre. Il faut dire que la photographie qu’elle avait fournie la mettait à son avantage : vêtue d’un simple pull en cachemire bleu échancré à souhait et qui laissait pointer deux fiers tétons, souriant de toute la blancheur d’une dentition parfaite, elle fixait l’objectif d’un vif regard pervenche. Une cascade de cheveux châtain clair bouclait sur ses épaules.

N’était le style télégraphique de son « profil », on l’eût pu croire rédigé par un contemporain de Voltaire et Rousseau, tant son vocabulaire vieille France détonnait avec le parler des jeunes d’aujourd’hui : « Gerboréenne. Vingt ans, bien née, orpheline. Des rêves plein la tête, souhaite croquer la vie tant qu’il en est temps. Toute disposée à quitter sa bourgade natale. Cherche compagnon un peu plus âgé, physique agréable, situation confortable, libre d’attaches, toutes régions ».

Tous les mâles inscrits sur le site, des jeunes puceaux boutonneux aux vieillards cacochymes, tentèrent aussitôt d’entrer en contact avec elle sans avoir, pour certains, compris la totalité du message.

Moins d’une semaine après son inscription, leur nombre s’élevait déjà à plusieurs centaines et Rose passa le reste du mois à écrémer ces candidatures spontanées pour n’en retenir qu’une dizaine, de tous âges, de toutes origines, mais avec deux points communs : apparence avenante et situation assise.

Encore fallait-il vérifier ces deux points, sur lesquels les forums de discussion lui avaient appris que les arnaques étaient fréquentes. Oui, mais comment ?

Commença alors pour Gerberoy une étrange période où le village entier se passionna pour l’entreprise de Rose, qui ne se cachait de rien, mais ne confiait rien non plus. Et chacun d’épier de son mieux les allées et venues de l’infortunée héritière, obligée depuis l’incendie de loger à La Rose de Picardie, l’unique hôtel-restaurant de cette « plus petite ville de France », selon le titre conféré par Philippe-Auguste en 1202.

C’est donc là qu’elle convoqua, étudia et départagea les dix impétrants retenus, à raison d’un par week-end, car en semaine, Rose-Adélaïde Foulques de Tinville, était employée au MacDo de Ferrières-en-Bray, à dix kilomètres de so domicile. Il faut bien vivre !

II

L’affaire avait fait le tour du canton et l’auberge refusait des clients tous les samedis soir. Rose, lassée de dîner sous des regards en coin, quand ils n’étaient pas lourdement appuyés, dut même lui demander d’installer un paravent dans un angle de la salle, car certains de ses candidats se démontaient totalement à se voir ainsi la cible de tous les yeux.

Au bar, un système occulte de classement et de paris s’était mis en place et des billets s’échangeaient sous le manteau avec le patron quant aux chances des finalistes !

Cela commença plutôt mal. En effet, pour les quatre premiers, cet examen « pré-nuptial » n’alla pas au-delà de l’entretien préliminaire devant un verre. Mais les six autres, dont l’aspect, la tenue, la conversation et les premières réponses à ses questions furent jugés satisfaisants auraient droit, pour leur part, au dîner en tête-à-tête, au menu de fête, aux vins choisis.

Avec ce traitement, plus d’un à ce qu’on dit, se laisserait aller à des avances précises dès ce premier rendez-vous et Rose, qui voulait se faire une religion sur ce point, ne se ferait pas prier pour y répondre lorsque cela lui conviendrait. Cependant, en dépit de sa belle mine, il adviendrait à tel ou tel de se retrouver congédié au petit matin d’un « enchantée d’avoir fait ta connaissance, mais restons-en là, si tu veux bien ». L’éducation sexuelle de Rose avait mal commencé près de sept ans auparavant. Et depuis, en dépit de quelques brèves expériences, elle n’avait pas réussi à construire une relation satisfaisante et stable.

En tout état de cause, cette période de sélection avait déjà fait un heureux : Serge, le patron et chef de La Rose de Picardie qui, chaque fin de semaine, se voyait confier la réalisation de ses plus beaux menus et soulageait sa cave de quelques-unes de ses plus chères bouteilles. Rose, cela la changeait agréablement des hamburgers et des salades dont elle devait s’alimenter la semaine durant. Et quel prétendant aurait eu la goujaterie de ne pas proposer de régler l’addition ?

Rose-Adélaïde Foulques de Tinville, vous l’aurez compris, avait reçu de ses parents le goût des bonnes choses, même si les derniers temps de leur vie, elles s’étaient raréfiées.

Dans l’ignorance de leur nom de famille, la population s’en tenait pour désigner les « fiancés » de Rose à une caractéristique délivrée à leur insu : l’accent de leur terroir d’origine. C’est ainsi que, sur la foi des rares témoins oculaires des différentes rencontres, l’on misa sur le « gars d’cheu nous », le Breton, le Périgourdin, le « marseillais », le parisien, le Québécois !

À tout seigneur, tout honneur ! Ce fut d’abord le Picard qui tint la corde des pronostics. Celui-là, on comprenait tout ce qu’il disait, il était du coin, on aspirait par chauvinisme à ce qu’il fût « l’élu » de Rose.

Un Finistérien l’avait précédé et l’on avait bien cru qu’il ferait l’affaire. Jean-Charles de Kervadec, agent immobilier, peinait, depuis son divorce, à entretenir son manoir de quinze pièces qu’il avait dû ouvrir aux touristes un week-end sur deux. Quarante ans, de la prestance ; Rose l’avait trouvé charmant dès le premier abord. Et vivre à nouveau dans un logis digne de sa condition n’était pas pour lui déplaire. Le « hic », ce furent ses deux grands enfants de quatorze et douze ans ; un néo-punk bardé d’épingles nourrice et une barbie doll, habillée de rose bonbon. Rose ne se voyait pas en belle-mère d’adolescents récalcitrants et boutonneux. Et la tête qu’elle fit devant leurs photos suffit à Jean-Charles de Kervadec pour comprendre qu’elle ne le serait pas.

Exit, donc, le Breton.

Rémi, le Picard, céréalier de trente-cinq ans bien tassés, n’avait pas trouvé femme dans son entourage et menaçait de finir vieux garçon. Toujours logé à la ferme chez papa et maman, il en avait déjà plusieurs petits travers : essuyer son couteau dans le bord de la nappe avant de le remettre dans sa poche, roter d’aise après les repas, se curer le nez en public… Grande et bien bâtie, cette force de la nature chaussait du 47 et mangeait comme quatre. Lorsqu’il paya sa tournée et serra les mains des habitués au bar de l’hôtel, certains tombèrent à genoux, tellement sa poigne était douloureuse ! Rose eut bien envie de voir si le reste de ses capacités était à l’avenant, mais ses manières rustres l’en dissuadèrent : si elle aspirait à « péter dans la soie », elle ne voulait pas qu’on le fît pour elle !

Le candidat du cru s’en retourna donc tout dépité, au grand dam des Gerboréens qui avaient parié sur lui, en oubliant que l’on est rarement prophète en son pays.

Le Périgourdin qui le suivit était un bon vivant, comme ils le sont tous en cette terre bénie qui leur a donné le foie gras, l’armagnac et la truffe. Celui-là mit tout de suite dans sa poche le patron de la Rose de Picardie qu’il régala de quelques conserves de sa fabrication. Car Gaston était producteur-conserveur d’une marque bien connue. Veuf de quarante-cinq ans, il avait le verbe haut, la mine rubiconde et portait ceinture et bretelles pour soutenir ce qu’il avançait.

À force de canons, il convainquit même Maître Serge de le laisser concocter le menu qui serait servi ce soir-là à la belle Rose, comme au reste de la clientèle. C’est ainsi que les privilégiés qui avaient pu prendre place dans la salle de l’auberge, dégustèrent ce samedi le plus pantagruélique des menus qu’il leur fut jamais donné de partager : ils commencèrent par une garbure, dans laquelle les plus audacieux firent chabrot d’un rouge charpenté. Puis vint un assortiment de foie gras d’oie et de canard mi-cuit, froid et rôti, accompagné d’un Bergerac moelleux. Les estomacs étaient déjà bien distendus, lorsque fut servie une éblouissante omelette aux truffes et aux cèpes de quatre œufs par personne. Avant un chapon farci et sa garniture de pommes sarladaises. Le tout arrosé de vieux Cahors. La salade aux noix fut boudée. Aux fromages, la moitié des convives demandaient grâce. L’œil de quelques-uns se ralluma devant la tarte aux prunes. Et presque tous se laissèrent tenter par une eau-de-vie hors d’âge qui les fit claper du bec et leur dégraissa les dents.

Oh, le brave homme que cet homme-là ! pensèrent les attablés en rotant d’aise. Hélas, pour Rose, au terme d’un tel traitement, il n’y eut pas d’après, car notre Gaston s’endormit sur les paillasses des cuisines après le coup de l’étrier avec le maître-queux ! Et elle, à peine sous la couette, sombra corps et biens jusqu’au lendemain quatorze heures.

Une fois retrouvés ses esprits, elle songea qu’à ce régime, ni Gaston ni elle ne feraient de vieux os, que ce n’était sans doute pas ce Grandgousier qui la ferait souvent grimper aux rideaux et tout cela la dissuada d’aller plus avant dans sa connaissance. D’autant que l’âge et le physique la contrariaient aussi quelque peu.

Ils se quittèrent bons amis, se promettant d’autres agapes à l’occasion.

Le temps passait et presque deux mois s’étaient écoulés depuis que Rose avait placé son profil sur la Toile. Sept candidatures avaient été éliminées, les unes promptement, d’autres sans état d’âme, une ou l’autre à regret.

Ne restait plus qu’un tiercé.

Rose y trouverait-elle chaussure à son pied ?

III

Cette semaine-là venait le tour d’un Marseillais que l’Intercités de 14 h 49 déposa en gare de Beauvais un samedi de février. Hélas, il gelait à pierre fendre et, au petit matin, dans Gerberoy on cheminait en se tenant aux façades des maisons, tant les pavés étaient glissants de givre. Une bise cinglante soufflait en rafales et vous coupait la respiration à chaque coin de rue exposé au nordet. Au comptoir de la Rose de Picardie, les commentaires sortaient des bouches tout embués :

— Il n’a pas bien choisi son jour, celui-là, disait le fossoyeur, toujours entre deux vins de peur de finir entre deux tombes.

— Y’a pas de jour pour les amoureux, pensez-vous, père Alphonse.

— Peut-être, mais quand même, c’est pas un temps à mettre un Picard dehors, alors un Marseillais… renchérissait le bedeau, surnommé « quatre et trois font sept », à cause d’une boiterie que les voûtes de la collégiale rendaient sonore.

Bref, avant même son arrivée, on le voyait déjà reparti, le Marseillais, tellement les circonstances semblaient défavorables.

Marius Belfond, grand brun d’une trentaine d’années, était mareyeur de son état, célibataire endurci, joueur invétéré de pétanque et buveur de pastis, cela va sans dire. De l’annonce de Rose, outre l’attrait de sa photographie, il n’avait retenu qu’une chose : qu’elle acceptait de suivre son « promis ». En effet, pour lui, il était hors de question de vivre ailleurs que sur le Vieux Port. Vu son activité, on peut le comprendre.

Habitué au mistral et à la tramontane, la bise picarde le fit quand même rabattre son chapeau sur son nez et resserrer son écharpe, tandis qu’il embrassait Rose, venue l’attendre à la gare.

— Ô coquin de sort, qu’il fait pas chaud dans ce Nord !

— Alors, en voiture.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Dans la Twingo de Rose, sans trop de paroles, ils s’observèrent à la dérobée : Marius trouva sa conductrice magnifique et Rose jugea son passager plutôt à son goût malgré son prénom et son parler exotiques.

Ce fut devant la grande cheminée de la Rose de Picardie, où ronflait une flambée de chêne attisée par le vent, qu’ils firent plus ample connaissance. Dans la soirée, sous le prétexte commode de fixer le menu, Serge vint faire son curieux, comme d’habitude, et offrit la première tournée de pastis, en l’honneur de l’invité de Rose. Mal lui en prit, car une heure plus tard, au pied du bar, les partisans des deux grandes marques rivales étaient près d’en venir aux mains. Il faut préciser que Marius les avait ouvertement traités les uns et les autres de petits buveurs, et dire ça à un picard, qu’est-ce sinon une insulte grave ? Un concours d’endurance allait même s’instaurer lorsque Rose, lucide et instruite par la mésaventure survenue à son précédent postulant, monta sur la table basse et intervint de la sorte :

— Bon, maintenant, on se calme, ou bien, nous, on change de crémerie. Rentrez chez vous, on doit vous attendre.

Rose avait su trouver le ton, le vocabulaire et les arguments adaptés à la situation. De plus, son physique lui donnait de l’ascendant sur tous les hommes, quel que fût leur âge. Bientôt, poussés par le patron, fossoyeur devant et bedeau derrière, les habitués sortirent en lâchant un timide « Eh bien, bonsoir et… bonne soirée », tandis que Marius, tout estomaqué, en oubliait de vider son verre.

Du coup, il fit moins le joli cœur qu’il n’avait prévu, se laissa interroger sans réserve et répondit avec sincérité, ce qui lui valut un satisfecit appuyé de Rose.

Tous deux partagèrent avec délices la bourriche de six douzaines d’huîtres de Bouzigues apportée par Marius. C’était moins attendu que les fleurs habituelles et Rose lui sut gré de cette innovation. En réalité, c’était un test, car Marius n’imaginait pas vivre avec une femme qui n’aurait pas aimé poisson, coquillages et crustacés ! Serge les fit suivre d’un magnifique turbot et, le Sancerre aidant, au dessert – une forêt noire – Marius prit la main de Rose qui ne la lui retira pas. Sans doute la suite serait-elle délectable, mais cela se passa sans témoins et nous en sommes réduits aux conjectures.

Marius semblait épris, mais Rose-Adélaïde Foulques de Tinville ne voulait pas s’engager avant d’avoir achevé ses consultations. Néanmoins, un second rendez-vous fut fixé au proche printemps et cette fois, ce serait elle qui ferait le voyage !

IV

Dans l’intervalle, deux candidatures restaient à examiner. La suivante était celle d’un avocat parisien de trente-trois ans, au physique avantageux, divorcé, sans enfant. Associé d’un prestigieux cabinet d’affaires, on aurait pu s’interroger sur sa présence dans ce contexte. En fait, son travail laissait si peu de loisirs à Philippe qu’il n’avait pas envisagé d’autre moyen de se trouver une nouvelle compagne. Son ex-épouse, stagiaire chez son patron à l’époque de leur rencontre, lui avait tondu la laine sur le dos lors de leur divorce. Infidèle pris sur le fait, il avait dû en assumer tous les torts. Chat échaudé craint l’eau froide : il ne voulait plus entendre parler de ce milieu et se méfiait des diplômées de tout poil.

Quand il descendit de son cabriolet rouge BMW, Rose ne manqua pas d’être impressionnée. Sa Twingo, à côté, c’était de la roupie de sansonnet, comme aurait dit sa grand-mère ! Belle voiture et belle gueule. Sa courte expérience lui indiquait néanmoins de ne pas se départir de sa méfiance naturelle.

Philippe était un gentil garçon, un peu imbu de sa personne sans doute, mais n’est-ce pas le cas de la plupart des hommes, à plus forte raison quand ils sont jeunes, beaux et riches ? Bref, il semblait avoir tout pour lui. Alors, durant le week-end, Rose chercha la faille, sans la trouver vraiment. Il fut un causeur passionnant ; en tant qu’avocat, on pouvait s’y attendre. Mais aussi un convive gourmet et délicat. À la différence de Gaston. Et un compagnon prévenant et attentionné. Ce qui la changeait de Rémi et même de Marius.

Cependant, c’était là le comportement typique d’un séducteur. Rose en était consciente et réfrénait donc sa très favorable impression.

À la Rose de Picardie, ce parisien échappé de Belleville, aux intonations reconnaissables quand il abandonnait sa voix de plaidoirie, ne fut pas reçu comme le Messie. Le contentieux entre « Parigots » et Picards est ancien et persistant. Aux grasseyements « m’as-tu-vu » des premiers répondent les voyelles fermées et les consonnes assourdies trop « terroir » des autres et souvent ces deux communautés se regardent en chiens de faïence. À Gerberoy, on n’a rien contre l’argent, bien entendu, mais la ville se souvient, pour l’avoir appris à ses dépens, qu’il n’est pas toujours bon de susciter l’envie et réprouve d’autant l’épate et l’ostentation !

En conséquence de quoi, très rapidement, tout le village fut prévenu contre Philippe Bertrand. Lorsqu’on supputa qu’il avait la préférence de Rose, on tenta de s’en assurer, on en fut convaincu. Et lors de sa seconde visite, quinze jours après la première, Philippe retrouva les quatre pneus de sa voiture crevés et les portières rayées. Sa mine s’assombrit. Il porta plainte, comme il fallait s’y attendre, mais les gendarmes du canton, trop contents de se payer la tête d’un riche Parisien, ne firent aucun zèle dans leurs interrogatoires. Rose s’emporta. Cela se sut.

Et cela suffit à retourner la population contre elle.

Jusqu’ici, Rose avait été la « petite fiancée » du village, l’orpheline protégée dont on suivait avec empathie les efforts pour redorer son blason et trouver un époux. Du jour au lendemain, ce qui hier encore était appétit de vivre, goût des bonnes choses et légitimes recherches devint dissipation, vie dispendieuse, immoralité.

Les buveurs échauffés tournèrent casaque. La frustration l’emporta sur le respect. Leurs épouses, trop contentes d’évincer une rivale encombrante, se firent commères. Serge ne pouvait pas se permettre de se couper de sa clientèle. Il leur emboîta le pas. Livra quelques détails réels ou inventés, peu importe. D’égérie, Rose devint souffre-douleur.

V

C’est dans cette atmosphère délétère que le dernier candidat retenu par Rose réserva une chambre pour le week-end suivant. C’était un pépiniériste d’origine québécoise, récemment établi à Bourbon-l’Archambault, dans l’Allier. Il se nommait François Martin. Malgré sa présence en France depuis plus de cinq ans, ce gaillard de bientôt quarante, avait en grande partie conservé son parler de la « belle province » et Serge ne put s’empêcher de le révéler, à peine le combiné du téléphone reposé :

— Hé, les gars, vous ne devinerez jamais d’où il vient le dernier prétendant de la Rose ? Je vous le donne en mille : du Canada ! Il a un accent, je ne vous dis que ça ! Le nôtre à côté, c’est du pipi de chat.

Accoudés au bar, se trouvaient là Alphonse le fossoyeur et « Quatre-et-trois-font-sept » le bedeau, alpha et oméga de la clientèle de Serge, le boulanger Froment et le brocanteur Delvieux. Tous quinquagénaires mariés à des mégères ou des femmes à la cuisse un peu légère, dont ils s’étaient lassés.

C’est dire si le Picon bière, le Ricard et le pastis aidant, les commentaires sur Rose et son Canadien passèrent rapidement du jovial au plaisantin et du salace au graveleux :

— Bientôt, y’aura plus que le train qui ne sera pas passé dessus ! éructa le bedeau déjà pas mal éméché.

— Ouais, y’a pas de justice, renchérit le brocanteur, brinquebalant quelque peu sur ses appuis.

— On va quand même pas laisser un étranger se faire Rose, alors que nous, on doit se la mettre autour du cou ! couina le boulanger de sa voix de fausset.

— T’as raison, pourquoi on y aurait pas droit nous aussi, hein ? On vaut bien un Parisien ou un Canadien, non ? asséna le Père Alphonse avec dignité.

Bref, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, Rose se trouva ravalée au rang de fille publique et le projet d’en user et abuser à leur guise ne tarda pas à échauffer les imaginations de ces piliers de bistrot.

D’une frustration d’après boire à un plan arrêté, il y avait du chemin que les compères parcoururent cette semaine-là, soir après soir, verre après verre, échauffant leur rancune et accroissant leur désir.

Sus au Canadien ! fut bientôt leur mot d’ordre. La suite, ils n’osaient pas encore la formuler précisément, mais les roberts de Rose, le cul et le con de Rose revenaient dans leur conversation à qui mieux mieux, comme une sorte d’obsession collective. Et le vendredi soir, le brocanteur, quelque peu féru de lettres, eut l’inspiration de l’injurieuse harmonie imitative qui devait désormais servir de surnom à Rose :

— Mademoiselle Foutre de Tienvit, à nous !

— Une pour tous, tous pour une ! clamèrent en chœur les conjurés.

L’aube de ce samedi de mars fut aussi limpide que les criminels projets de la petite bande étaient sombres.

Serge, en Judas de circonstance, s’était excusé auprès de Rose de l’inconduite du village envers Philippe Bertrand et celle-ci avait donc maintenu son plan initial de recevoir en son pays natal et à l’auberge de la Rose de Picardie le dernier de ses prétendants.

François Martin arriverait en train de Moulins à Paris, puis de Paris à Beauvais où elle irait le chercher, avait dit Rose.

VI

François Martin avait la faconde et la jovialité de beaucoup de Québécois, le tutoiement facile et une moustache aux pointes relevées qui ravissait les dames.

À peine descendu du train, il ouvrit les bras vers Rose, tout en lançant avec cet accent inimitable qui nous enchante, nous Français, qui avons presque oublié qu’il fut le nôtre :

— Viens çà, ma blonde, que je te donne un bec !

Le week-end était clément et, une fois son bagage posé à l’auberge, Rose eut tout le loisir de faire découvrir le village à son hôte : pour leur première visite, la rue Le Sidaner, puis la ruelle Saint-Amand les menèrent à la célèbre maison bleue ; puis ils franchirent la Tour-Porte pour monter à la Collégiale. Ensuite la bucolique rue du Château les ramena au faubourg Saint-Jean. De là, ils regagnèrent le village par la rue du Logis du Roy.

Les nombreux arbres de la cité arboraient les uns leurs chatons encore, les autres leurs toutes premières feuilles déjà, d’un vert pâle qui enchantait la vue. À chaque coin de rue, à chaque nouvelle perspective qu’il découvrait, François Martin s’exclamait avec son accent chantant :

— C’est vraiment un amour de village que t’as là, t’sais !

Rose-Adélaïde était aux anges en guide improvisé. La soirée promettait d’être belle ! Et demain, elle emmènerait François visiter les jardins Le Sidaner, la promenade du Jeu de Tamis et flâner sur les remparts.

C’est un menu tout régional que Serge avait concocté ce soir-là : anguille fumée et rillettes de kipper, puis profiteroles aux coques, suivies d’un lapin au cidre avant les inévitables fromages de Maroilles, Rollot et Bray picard, le tout couronné d’une tarte fine aux pommes et au caramel de lait. Que les deux convives arrosèrent de cidre brut pour l’une, de bière locale pour l’autre.

Autant dire que vers vingt-deux heures, tous deux étaient « ben aise », comme on dit en patois d’ici et de là-bas. La salle s’était vidée. Les derniers clients venaient de partir. On se couche tôt dans ce pays. Au bar, ne restait plus qu’un quarteron d’habitués. Ce soir-là, Rose et François étaient les seuls pensionnaires. Ils allèrent s’asseoir devant la cheminée. Serge vint alors leur offrir un petit verre d’eau-de-vie de cidre pour la digestion. Qu’ils ne refusèrent pas.

Un quart d’heure plus tard, quatre hommes dans la force de l’âge emportaient, en les tenant sous les aisselles et par les pieds, Rose et François, profondément endormis. Ils les déposèrent chacun dans leur chambre sur le lit, puis dévêtirent leur proie.

L’hallali était proche.

À présent Rose gisait nue, sur la courtepointe damassée de la couche, dans la posture de L’origine du monde, le sulfureux tableau de Gustave Courbet. Cheveux épars, ouverte, offerte.

Froment, puis Alphonse. Les deux premiers conjurés se succédèrent dans la chambre, s’éclipsant l’un après l’autre par l’escalier de secours, sans demander leur reste, leur affaire faite. Quatre-et-trois-font-sept, le sacristain, était le troisième. Le tirage au sort en avait décidé ainsi.

Lorsqu’il pénétra à son tour dans la chambre, le lit était un peu en désordre, mais Rose dormait toujours. Firmin demeura d’abord un long moment ébahi, devant le spectacle qui s’offrait à lui avant de se débraguetter. C’est alors que Rose remua dans son sommeil et balbutia quelques syllabes incompréhensibles.

Déjà subjugué par la vision de cette jeune beauté étendue face à lui, ce mouvement inespéré acheva de couper les moyens du bedeau. Une peur panique s’empara soudain de lui et Delvieux, qui poireautait assis sur un coffre bas dans le couloir, le vit ressortir hagard, tentant de se reboutonner et criant :

— Elle se réveille. Foutons le camp !

— Putain ! C’est bien ma veine !

Le brocanteur passa la tête par le chambranle ; Rose dormait à nouveau paisiblement. Alors, plissant ses petits yeux de serpent, il empoigna Quatre-et trois-font-sept par le col de sa veste, le fixa et lui dit d’une voix sans réplique :

— Non. Il faut finir le travail. Sinon, on est bons comme la romaine. Aide-moi à transporter l’autre ici et après, tu peux décamper.

VII

Ce dimanche matin-là, ce fut François qui s’éveilla le premier. Un rai de soleil perçait sous les double-rideaux. Lorsque ses yeux se furent accoutumés à la pénombre, il ne reconnut pas sa chambre. Celle-ci lui paraissait bleue ; la sienne était saumon. Il se retourna ; Rose dormait à ses côtés, d’une respiration régulière. Serait-ce que… ? Auraient-ils… ? Il n’en avait pas le moindre souvenir !

Il souleva le drap. Rose était nue et lui aussi. Le lit en désordre. Il n’y avait donc pas de doute. Pourtant, il ne se rappelait pas être venu la retrouver dans sa chambre. Pas plus qu’il ne se souvenait d’être monté dans la sienne… Ils étaient tous les deux devant la cheminée en train de boire un digestif, puis plus rien…

Qu’importe le comment, après tout ! Seul comptait le résultat. Il souleva à nouveau le drap pour admirer sa conquête et sentit aussitôt une ardeur nouvelle s’emparer de lui. Se penchant sur Rose, il déposa deux légers baisers sur ses paupières encore closes.

Elle ouvrit les yeux et vit un visage incliné sur elle. Son regard s’obscurcit un instant, mais l’heure n’était pas aux questions. Déjà un corps épousait le sien et cherchait à s’y fondre. Avec une douceur inconnue. Elle s’abandonna.

Serge servit fort tard deux copieux petits déjeuners ce matin-là.

Lorsque leur appétit fut aussi satisfait que leur libido, François et Rose parlèrent enfin :

— C’est toi qui m’as portée dans ma chambre hier au soir, François ?

— Nenni, j’te jure, enfin, j’crois pas.

— Je me souviens de rien, avant ce matin… dit-elle dans un sourire.

— Mais bon sang de bois, moi non plus, et pourtant c’est pas ce qu’on avait bu…

— Tu serais pas venu dans ma chambre sans y être invité, des fois ? reprit Rose en fronçant les sourcils.

— Pourquoi ? Tu regrettes ?

— Non, bien sûr, c’est pas ça, mais j’ai une drôle de sensation, tout de même.

— Comme quoi ?

— Je peux pas te dire.

— Si, tu peux tout me dire maintenant.

— C’est… étrange. Malgré la douche que je viens de prendre, je me sens toujours sale.

— Cherche pas, t’es barbouillée, t’as pas bien supporté les mélanges d’hier soir et moi pas trop non plus apparemment. Mais tout est bien qui finit bien, non ?

— Oui, tu as raison, conclut-elle d’un baiser.

François et Rose se quittèrent parce qu’il le fallait. Ses fleurs, ses arbres et sa clientèle l’attendaient là-bas à Bourbon-l’Archambault et le voyage de retour promettait d’être long. Mais dans deux semaines, ce serait elle qui prendrait la route de l’Allier.

Les jours qui suivirent virent Rose aller de moins en moins bien, puis de mal en pis. Elle s’enfermait à double tour dans sa chambre, prenait douche sur douche, ne parvenait pas à trouver le sommeil, commença à réveiller François au téléphone en pleine nuit.

Jusqu’à ce soir où, désemparée, elle monta à la Collégiale pour se recueillir, elle qui ne croyait pas à grand-chose. Elle était là, assise, au dernier rang de la nef sur un rude banc de bois, absorbée dans ses pensées depuis un long moment déjà, lorsqu’elle vit le bedeau claudiquer jusqu’à elle, puis s’agenouiller à ses pieds :

— Par… don, par… don, Mademoiselle Rose, bredouilla-t-il tout en battant sa coulpe.

— Relevez-vous, voyons, Firmin. Pardon de quoi, je vous prie ?

— L’autre soir… J’ai… Nous avons… C’est nous qui…

Rose s’était levée, avait saisi le sacristain par les revers de sa veste et les yeux dans les yeux, le questionnait à présent :

— Vous avez fait quoi ? Vous m’avez fait quelque chose à moi ? Vous et qui ? Allez, parlez !

— Moi, je vous ai juste regardée, je le jure, mais les autres, ils ont…

— Ils ont quoi ?

— Ils ont… ils ont abusé de vous, c’est sûr. Et j’aurais peut-être fait comme eux, vous êtes si désirable… mais vous avez bougé, j’ai pris peur et je suis parti.

— Vous m’aviez droguée ?

— C’est le brocanteur qu’a versé quelque chose dans vos verres pendant que Serge avait le dos tourné.

— Et c’était qui les autres ?

— Je… je peux pas le dire… Ils vont me tuer sinon.

— Vous préférez que j’aille chez les gendarmes et qu’on vous passe les bracelets ? Alors, c’était qui ?

Le brocanteur et le bedeau. Quels étaient les deux autres piliers de bar que l’on voyait toujours accoudés avec eux ? Il ne lui fallut pas trois secondes pour trouver : le fossoyeur et le boulanger.

— Ce ne serait pas Froment et Alphonse, par hasard ?

Quatre-et-trois-font-sept, tremblant, acquiesça en silence.

Les yeux pervenche de Rose lançaient des éclairs. Elle fixa un instant le pauvre hère en face d’elle, puis lui cracha au visage avant de s’enfuir en courant vers la basse ville.

VIII

Ainsi donc, son corps ne l’avait pas trompée. Il se souvenait de son agression répétée et lui avait envoyé signal sur signal pour qu’elle en prenne conscience. À présent qu’elle en avait reçu la confirmation, qu’allait-elle faire de cette connaissance ? Comment parviendrait-elle à se libérer de ce poids oppressant ?

La police ? Outre la difficulté psychologique de la démarche – même si l’accueil des plaignantes s’était beaucoup amélioré depuis quelques années – quelle preuve pourrait-elle apporter de ses dires ? Après son réveil, François et elle avaient fait l’amour à deux reprises. Depuis, elle s’était douchée. Aucun prélèvement ne semblait donc possible. Les empreintes ? En admettant qu’il y en ait d’identifiables, elles ne suffiraient pas à prouver l’implication de ses agresseurs. Les coupables reconnaîtraient les avoir transportés dans leurs chambres, en raison de leur état éthylique et nieraient le reste.

Le réconfort dans la confession était exclu. Elle avait perdu la foi au sortir de l’enfance. De toute façon, il n’y avait plus de curé au village. C’était celui de La Chapelle-aux-Pots qui assurait les messes et cérémonies. Le recours à la psychanalyse ? Aller courir à Beauvais ? Elle n’y croyait pas davantage. Sa mère s’était à moitié ruinée vingt ans durant pour quel résultat ? François ? Voudrait-il encore d’une fille qui s’était laissé violer ? Elle se reprit, déniant par un effort de la raison la culpabilité qui l’envahissait : d’une fille qu’on avait violée ! Non, elle ne voulait pas risquer de perdre François, à peine l’avait-elle trouvé.

Elle ne voyait plus qu’une solution : se venger ! De qui, elle le savait maintenant. En effet, son instinct lui disait que le bedeau n’avait pas menti et ne s’était livré à aucune atrocité contre elle. Restaient le fossoyeur, le boulanger et le brocanteur. Sans doute le chef de la bande, celui-là. Et puis, quel rôle Serge, le patron de l’auberge, avait-il joué exactement dans l’affaire ?

Ce lundi soir-là, Rose attendit que Carole, la serveuse, ait terminé son service pour redescendre en salle. Debout devant la caisse, Serge était en train de mettre en rouleaux des pièces de monnaie. Elle l’apostropha sans ménagement :

— Dis donc, qu’est-ce que tu nous as fait boire, samedi soir, pour qu’on ne se rappelle de rien, François et moi ?

— Du bon et du sérieux, une eau-de-vie de cidre de la Créquoise. Ah, c’est sûr, ça monte à 51 ° ; m’enfin, c’était rien qu’un petit verre ! Mais ouais, dis donc, vous n’avez pas tenu la route, a fallu que Alphonse, le bedeau, Froment et Delvieux vous portent dans vos chambres, vous dormiez comme des bébés !

— T’aurais mieux fait de les surveiller, ceux-là ! Il paraît que Delvieux avait versé quelque chose dans nos verres. Tu les as vu redescendre ?

Serge leva la tête de ses rouleaux de monnaie, puis blêmit :

— Quoi ? Nom de Dieu ! Euh… non. Ils ont dû sortir par l’escalier de secours, je suppose. Je venais de fermer ici. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ne me dis pas… qu’ils ont mis à exécution leurs élucubrations ?

— Alors, t’étais au courant, espèce de salaud ?

— Mais non ! Enfin, je les entendus déblatérer sur toi, comme ils le font souvent sur d’autres, sans que ça porte à conséquence. Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ?

— Comment veux-tu que je sache, j’étais droguée !

— Tous les quatre ?

— Non, pas le bedeau. Il m’a parlé.

— Putain de merde ! Tu vas faire quoi ?

— Ça me regarde, mais tu me prépares ma note pour demain matin !

Serge fixa des yeux inquiets sur sa cliente depuis de longs mois, puis baissa la tête sans mot dire.

Après une nuit de réflexion, Rose-Adélaïde Foulques de Tinville, décida tout d’abord de passer l’éponge sur la conduite légère du patron de la Rose de Picardie comme sur le méfait du sacristain, à deux conditions, pour ce dernier :

— Je ferai tout ce que vous me direz, Mademoiselle Rose, vous savez bien.

— Parfait, Firmin. Je ne porterai pas plainte contre vous si vous me révélez tout ce que vous savez sur la préparation et le déroulement de votre expédition et si vous gardez le silence vis-à-vis de vos complices. Je vous écoute.

Quatre-et-trois-font-sept raconta alors par le menu comment, la semaine précédente, leur était venue une frustration de plus en plus grande à la pensée qu’un étranger allait sans doute recevoir les faveurs de Rose. Comment, soir après soir, verre après verre, ils s’étaient monté le bourrichon. Comment ils avaient finalement imaginé de droguer les tourtereaux, d’abuser chacun leur tour de Rose endormie, puis de placer dans son lit François toujours dans les bras de Morphée, afin de dissimuler leur forfait. Comment un mouvement soudain de leur victime avait provoqué sa fuite à lui, et comment enfin le brocanteur l’avait obligé à transporter François dans le lit de Rose avant de le laisser partir.

Le temps des questions difficiles était venu. Elle avait besoin de réponses précises.

— Firmin, savez-vous ce qu’a fait le brocanteur après votre départ ?

— Ce n’est pas un homme à renoncer, Mademoiselle Rose, vous le savez bien.

— Mais vous n’avez pas la preuve qu’il soit resté dans la chambre après vous ?

— Euh… non. J’ai filé sans attendre.

— Firmin, avez-vous vu ce qu’on fait le père Adolphe et Froment ?

— Jamais de la vie, Mademoiselle. On avait tiré à la courte paille. Ils étaient premier et deuxième. Moi troisième. Et le brocanteur dernier. Le fossoyeur et le boulanger sont entrés dans votre chambre chacun leur tour. Ils sont restés une dizaine de minutes, peut-être un quart d’heure. Ça m’a paru long, mais c’est toujours long quand on attend.

— Firmin !

— Pardon, Mademoiselle Rose.

Rose-Adélaïde Foulques de Tinville avait trouvé dans l’élaboration de son projet un certain détachement de ce qu’elle avait subi, mais pas encore à toute épreuve.

IX

Une fois réglé le sort du maillon faible qu’était Quatre-et-trois-font-sept, Rose entreprit de mettre à sa botte chacun des trois assaillants restants.

Le boulanger Eugène Froment dont l’épouse n’était pas insensible aux compliments appuyés, voire plus si affinités, était un mari trompé de longue date. Avec sa voix haut perchée, on le disait inverti et l’on excusait ainsi les écarts de la jolie boulangère, qui se laissait pétrir à l’étage pendant les heures de fournil. Lui se consolait de ses infortunes à coups de Picon bière et de Gitanes maïs dont on avait retrouvé plusieurs fois déjà un mégot dans le pain !

Rose, avec le sixième sens qu’ont les femmes pour ces choses-là, était convaincue que la réputation de Froment était infondée, qu’il aimait et les femmes et la sienne et que, dans la circonstance présente, par dépit ou vengeance, sous l’emprise de l’alcool, il avait cédé à la tentation. Mais il lui fallait s’en assurer.

Ce ne fut pas difficile. Le lundi était le jour de fermeture de la boulangerie. Elle attendit donc que minuit sonnât à la Collégiale Saint-Pierre avant de sortir de La Rose de Picardie, par l’issue de secours de l’étage, elle aussi, pour aller toquer à la porte de service du fournil en prenant garde de n’être vue de personne.

Elle entendit un verrou tourner, puis la tête enfarinée, coiffée de son calot, d’Eugène Froment apparut dans l’entrebâillement de la porte. En la voyant, il eut un mouvement de recul et tenta de refermer, mais Rose avait placé son pied dans l’ouverture et poussa vivement le boulanger à l’intérieur, se frayant un passage à sa suite. D’une main, elle s’empara du couteau à couper les pâtons qui était sur le tour. Avançant vers l’homme, à présent adossé au four, elle commença à décrire des moulinets :

— Alors, on fait moins le malin, maintenant ? Je vais te couper les couilles, Froment, comme ça tu ne feras plus de mal à personne !

Froment était effaré. Que sa victime entreprenne de se faire justice elle-même était bien la dernière pensée qui lui serait venue ? Comment Rose avait-elle su ? Qui avait parlé ? Comment se sortir de là, à présent ? Tenter la force ? Il risquait d’être blessé. L’amadouer ? Pourquoi pas ? Il tomba à genoux :

— Pardon, pardon, Rose, j’avais bu, les autres m’ont poussé, je n’ai pas su résister…

— Espèce de dégueulasse, abuser d’une femme droguée, quel courage !

— Je n’arrive plus à dormir depuis. J’ai fait une grosse connerie. Ça tourne et retourne dans ma tête.

— J’espère bien !

Rose porta la main à la poche de son manteau et arrêta le dictaphone qui s’y trouvait. Puis elle le sortit, le mit en marche. Une voix nasillarde, un peu étouffée, jaillit de l’appareil : « Pardon, pardon, Rose, j’avais bu, les autres m’ont poussé, je n’ai pas su résister… »

— Ceci va parvenir à ta femme d’abord, puis aux flics ensuite. Tu es foutu, Froment, ta femme va se barrer, ta boulangerie va fermer, tu vas finir en taule. Bonsoir.

Une porte claqua dans la nuit. Dans le fournil, un boulanger à genoux sanglotait, implorant pardon. Trop tard !

Et d’un !

Enfin, pas tout à fait. En réalité, Rose n’avait aucune intention d’aller trouver la police. Elle espérait simplement que le désespoir de Froment l’amènerait à une solution, LA solution, par lui-même. Peut-être même n’aurait-elle pas à communiquer la cassette à sa femme. Il suffisait qu’il le croie. Cela prendrait le temps qu’il faudrait. Elle n’était pas pressée.

Mais elle n’eut pas à attendre longtemps.

En effet, le lendemain matin, Gerberoy se réveilla sans pain. Le fournil était vide, la première fournée calcinée et la camionnette des tournées absente.

La boulangère, soudain éplorée, téléphona aux gendarmes qui se mirent en chasse. À la mi-journée, on retrouva le véhicule dans le Thérain sur la commune de Lachapelle-sous-Gerberoy, à trois kilomètres de là. Le boulanger gisait à l’intérieur, noyé dans un mètre d’eau. La voiture paraissait avoir quitté la route sans trace de freinage.

L’enquête devait conclure au suicide. Mais toutes sortes de rumeurs circulaient, dont certaines assez proches de la vérité. Le temps d’un exil plus sûr semblait venu pour Rose. Quinze jours plus tard, elle démissionnait de son travail, chargeait sa Twingo de ses rares possessions et prenait la route de l’Allier.

X

Depuis six mois maintenant, François et Rose vivaient la phase fusionnelle d’un amour tout neuf dans le bocage bourbonnais. Rose avait même troqué une bonne partie de son accent picard pour un soupçon de celui de François. Sous la houlette bienveillante de son Québécois de Trois-Rivières, Rose-Adélaïde Foulques de Tinville s’était initiée avec bonheur aux tâches variées du métier de paysagiste, retrouvant les racines de ses hobereaux de parents. Entretemps, elle avait revu Philippe Bertrand. Pour s’apercevoir très vite que l’avocat parisien et elle n’étaient pas du même monde. Marius Belfond aussi l’avait relancée et elle fit le voyage de Marseille, mais la nombreuse et omniprésente parentèle méditerranéenne du mareyeur lui fit peur. Elle signa alors l’abandon de ses rêves de grandeur et de vie au soleil pour des perspectives plus en rapport avec ses antécédents et ses intérêts réels. Sa quête avait réussi. Gerberoy et son cortège de malheurs semblaient loin.

La Toussaint approchait. Rose n’avait jamais manqué de fleurir le caveau des Foulques de Tinville, en souvenir de ses grands-parents principalement. Ce mausolée de granit, noirci par les ans, était le dernier maillon qui la rattachait au passé. La famille s’éteindrait avec elle. Ironie du sort : épouser François serait perdre un nom unique et chargé d’histoire au profit du plus commun des patronymes français. Mais ce n’était pas encore d’actualité.

François s’offrit à l’accompagner ; elle déclina la proposition.

Le trente novembre de cette année-là tombait un samedi. Rose fit le voyage en voiture jusqu’à Beauvais où elle prit une chambre à l’hôtel du Cygne. Elle ne voulait pas retourner à la Rose de Picardie. Elle ne tenait pas non plus à ce que l’on vît sa Twingo en ville. Elle réserva un véhicule de location.

La journée était grise à souhait. Dans le petit cimetière qui entourait la collégiale, Alphonse s’affairait à ratisser le gravier blanc des allées. Non loin de là, un caveau était ouvert ; le village avait perdu sa doyenne l’avant-veille. À son habitude, toutes les heures à peu près, le fossoyeur s’arrêtait pour téter le litron étoilé qui dépassait de la poche de sa vareuse, accrochée à une croix tombale.

Rose était en noir et portait un chrysanthème à petites fleurs mordorées dans les bras. Quand il la vit face à lui, telle une apparition, de surprise ou de frayeur, Alphonse fit un pas en arrière qui lui fut fatal : il se trouvait, à ce moment-là, devant le caveau ouvert pour la doyenne. Son corps fit un bruit mat en tombant à la renverse sur la glaise du trou. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais aucun son ne parvint jusqu’à Rose. Puis son regard se voila. Le fossoyeur venait d’usurper sa dernière demeure.

Un peu frustrée de n’avoir pu obtenir des aveux à cause de cette justice immanente, mais néanmoins satisfaite du cours des événements, Rose s’éloigna et s’en alla déposer sa fleur devant la chapelle funéraire des Foulques de Tinville où elle se recueillit quelques instants avant de repartir comme elle était venue.

Et de deux.

Il n’en restait plus qu’un, mais ce conjuré-là était un oiseau d’une autre envergure ! Malin, retors, vicieux. C’était un ami ou plutôt une relation d’affaires de son père et Rose savait exactement à quoi s’en tenir sur son compte. La partie finale s’annonçait serrée. L’espace d’un instant, elle eut envie de laisser tomber, mais bien vite la violence intérieure qui l’habitait depuis certaine nuit de l’année de ses treize ans, mise à vif par son agression récente, prit le dessus et s’imposa.

Il fallait que vengeance fût faite. Et celui-là paierait. Comme les autres.

XI

L’essor du tourisme à Gerberoy depuis son classement parmi les plus beaux villages de France avait amené un antiquaire-brocanteur des environs à ouvrir boutique dans la partie basse de la ville. C’est ainsi que Pierre Delvieux s’était installé Faubourg Saint-Jean plus de quinze ans auparavant. À cette époque, de mauvais placements boursiers avaient déjà entamé la fortune des Foulques de Tinville. Et bientôt le père de Rose se mit en relation avec le brocanteur pour se défaire au fil des ans du mobilier de style, des tableaux, de l’argenterie familiale, hérités de ses aïeux.

Devenu un familier de la gentilhommière qu’il vidait petit à petit, Delvieux avait fait sauter Rose sur ses genoux, quand elle n’avait que cinq ou six ans et déjà elle l’avait trouvé antipathique. Puis, lorsque, à treize ou quatorze, elle eut tout l’air d’une femme, avec la beauté qu’on lui connaît à présent, il commença à la harceler, à la presser dans les coins, jusqu’à ce qu’elle lui retourne une gifle bien sentie. Depuis, craignant qu’elle ne parle, il se tenait à carreau. Finalement, l’incendie de leur demeure l’avait libérée de cette fréquentation redoutée.

Jusqu’à cette fâcheuse nuit de sa rencontre avec François.

Il n’était pas question pour elle d’aller demander des comptes à Delvieux sans précautions. Trop risqué. Avec son mètre soixante-dix et ses cinquante-cinq kilos, elle ne faisait pas le poids face à l’antiquaire, bâti comme une armoire à glace. Et pourtant, elle ne voulait pas qu’il meure sans avouer son crime ni sans savoir de qui lui venait son châtiment. Longtemps, dans son exil bourbonnais, elle avait cherché la solution et… croyait l’avoir trouvée.

Delvieux était un prédateur qui convoitait toute femme désirable, mineure ou pas, mariée ou pas, et ne s’embarrassait d’aucun scrupule pour parvenir à ses fins. À Beauvais, la veille, Rose avait donc recruté une hôtesse de bar de nuit à qui elle avait confié la mission de jouer le grand jeu à l’antiquaire en le faisant boire autant que possible. Une fois saoul, elle comptait l’amener à confesser son forfait et ensuite… elle irait à la police. Aujourd’hui, c’était le cinquante-cinquième anniversaire de Delvieux, Rose le savait. Elle ne doutait pas que le satyre accepte avec joie ce cadeau inespéré et tombe dans le piège. En ce moment même, son ambassadrice devait être à l’œuvre.

Rose pressa le pas en direction du Faubourg Saint-Jean.

Le magasin d’antiquités s’étirait en longueur sur une trentaine de mètres et comportait un bureau vitré, muni de stores occultants où Delvieux lutinait sur un canapé rouge sang des clientes en mal de sensations.

L’écriteau « Fermé pour cause de livraison – Retour dans une heure environ » était accroché sur la porte d’entrée, mais Rose savait que Delvieux se contentait de retirer le bec-de-cane de cette devanture à l’ancienne, sans fermer à clé. Elle sortit un carré de sa poche et manœuvra sans encombre le pêne de la serrure. Levant le bras, elle empêcha le carillon de tinter. Des gloussements, des voix étouffées lui parvenaient. Elle entra et referma sans bruit.

Elle s’approchait à pas feutrés du bureau lorsque la voix rauque de Delvieux retentit, tandis que s’ouvrait la porte du local :

— Approche Rose, tu ne seras pas de trop !

Delvieux était en bras de chemise, en pleine possession de ses moyens. Rose se figea sur place, elle ne comprenait plus rien. Elle voulut reculer, mais il l’avait saisie par le bras :

— Alors, comme ça, on a tenté de me piéger ! Tu devrais savoir que ce n’est pas à un vieux singe comme moi qu’on apprend à faire des grimaces, Rose. J’ai tout de suite flairé l’arnaque et il ne m’a pas été difficile de retourner ta protégée. Il m’a suffi de doubler ce que tu lui avais promis.

Delvieux se détourna, finit de se rajuster et dit à l’intention de cette dernière :

— Tu peux partir, ma jolie, ton contrat est rempli, ce qui suit ne te concerne pas.

La fille de joie ne demanda pas son reste et s’éloigna, encore en petite tenue, ses vêtements et ses chaussures à la main.

XII

Rose se débattait, mais la poigne de Delvieux était trop forte. D’un tiroir de son bureau, il sortit une paire de menottes. Il lui en passa une à la main droite et accrocha l’autre au radiateur en fonte de la pièce.

Rose entendit la porte d’entrée se refermer. Ils étaient seuls à présent.

— Tu n’es qu’un porc, Delvieux, ne m’approche pas ou je hurle !

— Je doute que d’ici on t’entende et je sais comment t’amener à de meilleurs sentiments à mon égard.

— Ça m’étonnerait !

— Détrompe-toi. J’ai un marché équitable à te proposer. Voici : tu ne tentes rien contre moi et, en échange, je ne révèle pas aux flics ce que je sais de l’incendie de ta maison.

Rose avait blêmi. Elle voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle dut se contenter de dénégations de la tête. Delvieux poursuivit avec un sourire en coin :

— Je sais ce que tu as fait et pourquoi tu l’as fait.

Rose était décomposée. Elle réussit enfin à articuler :

— C’est faux. Tu… tu ne sais rien.

— Oh que si ! D’une part, ton père avait le vin bavard, et d’autre part je t’ai vue faire le mur de chez toi, ce soir-là, alors que l’incendie prenait de l’ampleur. Tu es sortie, couverte de suie et de cendre, et tu as déclaré aux gendarmes avoir tenté de sauver tes parents, mais c’est faux, tu les as laissé crever !

Rose ne disait plus rien. Elle réfléchissait. Le vent avait tourné, semblait-il. Alors qu’elle s’apprêtait à mettre le mot « fin » à cette histoire, son passé la rattrapait. Et elle était fatiguée de vivre avec tout cela sur la conscience. Son père, sa mère, Froment, Alphonse. Elle se sentait coupable effectivement. Et pourtant, stricto sensu, elle n’avait rien fait. Ou si peu. Sauvé sa peau un peu trop vite et laissé le feu de cheminée asphyxier ses parents. Poussé Froment à se suicider et amené Alphonse à faire un pas de trop.

Sa réflexion fut interrompue par Delvieux :

― Voici ce que nous allons faire : tu rédiges sous ma dictée un écrit où tu avoues ta responsabilité dans le décès de tes parents. Je le mets en lieu sûr et je te libère. Si tu refuses, eh bien, tu ne sortiras pas indemne d’ici ! Quant à porter plainte contre moi pour viol, ce sera parole contre parole ! Et ta lettre parviendra à la police.

Il fallait gagner du temps. Dans la poche de son imper, son dictaphone tournait toujours. À tout prendre, Delvieux tomberait avec elle, si elle devait tomber. Mais il fallait sortir d’ici rapidement. Elle soupira et dit :

― Ton marché est ignoble, Delvieux, et tu ne me laisses pas le choix. Détache-moi si tu veux cette lettre, je ne peux pas écrire avec la main droite attachée au radiateur !

Delvieux s’y résolut. Il aurait pourtant dû savoir que Rose était ambidextre, comme son père.

Rose frotta son poignet endolori par le bracelet métallique. Delvieux sortit du tiroir du bureau un bloc de papier et un feutre noir. Puis, il entreprit de dicter à Rose les termes de sa déclaration qu’elle data et signa, d’une écriture précipitée.

À présent, ils étaient debout, face à face, de chaque côté de la table. Delvieux relisait la lettre, concentré. Rose, les mains dans les poches de son imper, venait d’arrêter le dictaphone. Déjà, elle reculait vers la sortie. D’un bond, elle fut de l’autre côté de la porte du bureau. La clé était dessus. Elle lui donna deux tours et s’enfuit en courant, tandis que Delvieux secouait le battant avec fureur. Il ne lui résisterait pas longtemps, mais suffisamment pour lui donner celui de disparaître, espérait-elle. Sa voiture était garée sur le premier parking à l’entrée du village. Elle dévala la pente. Le bruit des battements affolés de son cœur lui cognait aux oreilles.

Elle mettait le contact, hors d’haleine, lorsque, dans son rétroviseur, elle aperçut la silhouette épaisse de Delvieux, époumoné, tout en haut de la rue. S’était-il rendu compte de son subterfuge pour s’être ainsi lancé à sa poursuite ? Trop tard, en tous cas. Elle était hors d’atteinte. De toute façon, en admettant que Delvieux sache vraiment quelque chose, ils se tenaient l’un l’autre par la barbichette, à présent !

Épilogue provisoire

Le lendemain, rentrée auprès de François, blottie au creux de ses bras, Rose un instant fut tentée de lui raconter toute l’histoire. Hélas, une nouvelle fois, la peur de le perdre l’en dissuada et les mots libérateurs ne purent sortir de sa gorge. Comment aurait-elle pu lui avouer ce qu’elle n’avait jamais révélé à quiconque depuis toutes ces années ? Depuis ce soir de ses treize ans. Elle avait refoulé tout cela tellement profond ! Et comment Delvieux aurait-il su pourquoi la nuit de l’incendie, elle s’était sauvée sans porter secours à ses parents ? Non, ces mots de soufre et de cendre ne pouvaient pas franchir ses lèvres ! Comment pourrait-elle vivre encore lorsqu’elle se serait avoué à elle-même la monstrueuse vérité ?

Car la vérité, la voici, Rose-Adélaïde Foulques de Tinville : ton père t’avait salie et ta mère feignait de ne rien voir ! Alors, cet incendie « providentiel » t’a vengée. Et il te faut continuer de vivre avec tes remords et une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Le pourras-tu ?

Rose leva les yeux vers François et voulut croire que oui. Au Canada, peut-être ?

© Pierre-Alain GASSE, mars 2012.

Vous êtes le audience ième lecteur de cette nouvelle depuis le 01/04/2012. Merci.

Retour au sommaire
gerberoy6
gerberoy6
gerberoy7
gerberoy gerberoy gerberoy
Laisser un commentaire à l'auteur Télécharger en PDF IDDN