L'Affaire de Collonges-la-Rouge

collonges

Maison de la Sirène - Collonges-la-Rouge ©B.Vauléon, 1987

I

Dans un village du Sud corrézien, un homme tournait comme un lion en cage dans son mobile home. Il venait de regarder sur son vieux magnétoscope une cassette qu’il connaissait par cœur, tellement il l’avait visionnée de fois. C’était un film X, acheté par correspondance aux Pays-Bas, bien des années auparavant. Il ne comprenait pas les rares dialogues qui parsemaient l’ouvrage, mais peu lui importait. Il n’avait d’yeux que pour l’héroïne, une jeune starlette pas farouche, qui cédait avec joie à tous les fantasmes d’un producteur qui concentrait les pires clichés du genre. Une blonde paille aux yeux d’un bleu profond, déliée, aux courbes parfaites, à qui il rêvait chaque nuit de faire subir tous les outrages imaginables !

Alors, quelle stupéfaction quand il avait cru reconnaître son égérie dans le village voisin !

Il s’était renseigné : un couple de Hollandais avait retapé un vieux manoir à l’abandon et vivait là une bonne partie de l’année. La femme était une ex-miss de beauté et, en fouinant sur Internet, il avait découvert qu’après son couronnement, lors d’une période de vaches maigres, elle avait tourné quelques films pornographiques sous le pseudonyme de Wanda. Puis, elle avait rencontré cet homme d’affaires fortuné qui lui avait offert le mariage et la respectabilité.

Aujourd’hui, elle avait quinze ans de plus, mais le même port de tête, la même poitrine aguicheuse, les mêmes jambes longues et fines, la même cambrure de reins... C’était elle, il en était persuadé !

Il se tenait à carreau depuis son divorce, mais là, ce n’était plus possible. Elle était trop près de lui, il la lui fallait, et vite !

Il commença à passer en revue les plans envisageables.

Absente tout l’été, elle était un peu sortie de son esprit, remplacée par de petites estivantes en short, auxquelles il avait eu beaucoup de mal à résister, mais il l’avait revue ce matin, en allant livrer du bois dans une maison du bourg. Tee-shirt échancré dévoilant une épaule, short multipoches, et tennis blanches, c’était une vraie bombe ! Une explosion avait eu lieu dans sa tête. Il ne pouvait plus attendre. Ce serait pour ce soir.

II

On pourrait croire que dans nos villages de province la vie s’écoule plus paisiblement qu’ailleurs. Eh bien, l’on se trompe ! Les passions humaines y sont les mêmes qu’en ville et conduisent à des débordements identiques. Seules les tentations, jadis, y étaient moins nombreuses. Mais, aujourd’hui, à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, sur ce plan, bourgades, cités, métropoles et capitales se valent, pour peu que la 3G, l’ADSL et le haut débit y parviennent.

À la fin du siècle dernier, notre région a été marquée par une ténébreuse affaire, un double meurtre resté inexpliqué, à 20 kilomètres à peine de chez nous, à Cressensac. Un couple anglo-batave avait été retrouvé étranglé dans une forêt éloignée de son domicile, bâillonné, pieds et poings liés. Vingt ans après, la presse en parlait encore. Pourquoi ce double crime a-t-il enflammé les imaginations à ce point ? C’est sans doute que la femme était jeune et belle et son mari encombré d’un passé sombre et mystérieux, fait d’un riche premier mariage, d’émigrations successives et d’escroqueries d’envergure.

Tout ceci pour dire qu’en matière criminelle, il n’est pas bon bec que de Paris, tant s’en faut.

Notre village devait jusqu’ici la seconde partie de son nom à la couleur du grès dont sont bâties nos maisons : rouge. Et voilà que c’est au sang répandu qu’on voudrait l’associer à présent !

Depuis 35 ans, grâce à notre grand homme Charles Ceyrac, nous sommes le premier des « Plus Beaux Villages de France » et le site le plus visité du Limousin. Il faut dire qu’avec sa dizaine de châteaux et manoirs, ses multiples maisons anciennes, ses divers monuments publics et son reste d’enceinte, plus de la moitié du village est classée ou inscrite aux Monuments Historiques. Et que voir le soleil levant ou couchant enflammer nos rues et nos façades est un spectacle qui ne s’oublie pas de sitôt !

À ce riche passé correspond une vieille noblesse, souvent désargentée hélas, qui peine à entretenir son patrimoine et s’est vue contrainte à l’aliéner au profit d’étrangers fortunés en mal de légitimité historique.

C’est ainsi qu’au cœur du village le manoir de la Barrière avait été vendu, dix ans en arrière, à des Hollandais comme il y en a beaucoup par ici, qui l’avaient restauré de leur mieux et y vivaient dix mois sur douze, fuyant l’arrivée des touristes en juillet et août au profit de villégiatures plus calmes.

Joss Vanderlaeren avait fait fortune dans les logiciels pour collectivités, au point de détenir, avant sa retraite, un des dix premiers groupes mondiaux en ce domaine. Veuf sans enfant, sa jeune seconde épouse, Annelore, longue liane, archétype de la blondeur scandinave, était une ex-miss Pays-Bas. Et, après quelques années de vacances passées entre Limousin et Périgord, séduits par le village, le climat, la cuisine et la proximité de nombreux compatriotes, le couple avait acquis, pour quelques centaines de milliers d’euros, le manoir de la Barrière, laissé en piteux état par des héritiers peu intéressés par ce gouffre financier.

Affable et loquace, parlant un français châtié avec un soupçon d’accent, l’homme avait intégré au fil des ans les différents cercles sociaux du secteur, le club de golf de Puy d’Arnac, le Lion’s Club d’Ussel, la Société Scientifique Historique et Archéologique de Corrèze, et bien entendu, l’Association des Amis de Collonges, dont il était devenu l’un des principaux mécènes... Son épouse, plus effacée, gardait ses distances et avait des relations plus réduites, se complaisant dans la culture de ses roses, des parties de bridge et l’éducation de ses deux enfants, garçon et fille, de dix et sept ans.

Un couple apparemment sans histoires, donc. Mais toute vie cache des mystères, petits ou grands.

C’est ainsi qu’il y a deux ans, alors que débutait ce que nous appelons ici « la saison calme », celle où les commerçants s’octroient des congés bien mérités, où les artisans commencent à reconstituer leurs stocks et où les simples résidents comme nous se réapproprient leur village, l’eau de la fontaine prit dans la nuit une couleur nouvelle, incongrue, inquiétante : rouge sang !

III

Pas de cadavre de chat, chien ou autre au fond des bassins. L’eau, après avoir continué à couler rougeâtre du bec d’arrivée pendant une heure ou deux, était redevenue limpide. Qu’elle ait pris la couleur de nos pierres pouvait s’expliquer de diverses manières. La plus banale : une variante de la blague de la lessive, à laquelle nous étions périodiquement confrontés par des noctambules en mal d’amusements. Tous les villages où subsistent des fontaines connaissent ces désagréments. Il pouvait aussi s’agir d’une pollution accidentelle ou volontaire de la nappe phréatique qui approvisionnait la bourgade. Le crime de sang, voilà bien la dernière explication à laquelle il fallait songer, tout de même !

Au matin, chacun, mis au courant par la rumeur, qui chez le boulanger, qui à la maison de la presse, qui dans la rue même, s’en alla aussitôt au logis, à pas pressés, vérifier que sa maisonnée n’était pas concernée. Cela s’était passé après minuit, parce que, de conciliabule en conciliabule, on sut rapidement que Monsieur Lorféon, le plus insomniaque de nous tous, qui, pour tromper l’ennui, promenait son basset artésien toutes les nuits ou presque, était passé devant la fontaine alors que sonnaient les douze coups et n’avait rien remarqué d’anormal.

— Peut-être n’avez vous rien vu parce c’était nuit noire, que l’éclairage public était éteint et la lune absente ? lui fut-il rétorqué.

— Mon chien aurait flairé l’odeur du sang, je vous l’assure, répliqua-t-il.

— Mais d’abord, qui a dit que c’en était ?

C’était vrai, ça, quel était l’oiseau de malheur qui avait lancé cette idée stupide ? Il y avait sûrement une autre explication. Un prélèvement fut réalisé et envoyé au laboratoire d’analyses de Tulle, mais ça allait prendre un peu de temps.

À midi, on n’avait encore rien trouvé d’anormal ; les gendarmes, deux par deux, réquisition d’ouverture en main, allaient de maison en maison, rue après rue, et revenaient, toutes les heures, rendre compte à Monsieur le Maire, qui s’apprêtait à convoquer le Conseil Municipal en séance extraordinaire pour le soir même. Les délais habituels n’étaient pas respectés, mais aux grands maux, les grands remèdes !

À quinze heures, tous les maisons occupées du centre bourg, c’est-à-dire près de deux cents, avaient été visitées. En vain. Ni mort ni blessé, nulle part. Restaient tous les écarts, les résidences secondaires éparpillées dans la campagne et les logements fermés ou vacants de la commune. À peu près autant. Il fallut se résoudre à faire venir deux serruriers pour ouvrir toutes les portes closes. Cela prendrait un sacré bout de temps !

Et le bétail ? Peut-être un prédateur errant, chien, loup, félin échappé d’un cirque ou de chez un particulier..., avait-il égorgé une proie, près de la source ? Hypothèse rassurante, mais hélas, on constata bientôt qu’il n’en était rien. Le captage s’avéra indemne de toute pollution.

Au soir, le résultat des analyses tomba. C’était bien du sang qui était dilué dans l’eau et non un colorant quelconque. Du sang humain, d’un individu de sexe masculin !

IV

Bigre ! Cela se compliquait. On pouvait donc suspecter une blessure sérieuse ou une mort. Les gendarmes avertirent le Procureur de Brive qui désigna comme enquêteur un OPJ de la Brigade de Recherches, en attendant de diligenter sur place une équipe du GIR de Limoges, si l’on découvrait un cadavre.

Depuis le passage des pandores de maison en maison, le village était en émoi. Les conversations n’avaient plus qu’un objet : le possible crime commis ; les commerçants en oubliaient de demander à leurs clients le but de leur visite, les vieux couples reléguaient leurs querelles aux calendes grecques et les amoureux de tout poil en perdaient le désir de l’autre ! La divulgation – on ne sait comment – du résultat du prélèvement opéré dans la fontaine ne fit qu’augmenter la tension d’un cran.

Immédiatement, les imaginations se mirent à battre la campagne et les soupçons les plus fous à circuler ; selon une loi atavique vieille comme le monde, on commença par cibler les étrangers, les hors-venus, les pièces rapportées. Il se trouvait qu’il y en avait beaucoup. Trop. Dans chaque famille ou presque on recensait un ou plusieurs membres concernés et chacune accusait l’autre ! La piste se perdit dans les méandres familiaux.

On se rabattit ensuite sur les originaux, les hors-normes, les marginaux. Le champ des possibles se restreignit, mais resta néanmoins trop important pour dégager un consensus.

Les vieux réflexes révolutionnaires ressurgirent alors et l’on porta son dévolu sur les plus riches, toujours soupçonnés des turpitudes dont les pauvres n’ont pas les moyens.

En l’occurrence, le choix se réduisait à une poignée de châtelains, hommes d’affaires et commerçants aisés, connus de tous. Mais un seul de ceux-là avait une femme jeune et belle, susceptible de pousser au crime : Joss Vanderlaeren ! Et lui, c’était un hors-venu, étranger de surcroît, comme son épouse, et il collectionnait les fossiles et les voitures anciennes ! C’était donc là un homme dont on avait tout lieu de se méfier, non ? Et sa femme est tellement plus jeune que lui, vingt ans au moins, n’est-ce pas ? Trente, vous dites ? Ça finit toujours mal des mariages comme ça. C’est pas sûr qu’ils soient mariés ? Comment vous savez ça, vous ? Chez le notaire, lors d’une vente ? Ah, bon !...

En quelques heures, les propriétaires du Manoir de la Barrière se retrouvèrent sous le feu des interrogations. Nul n’avait vu Annelore de la journée. Pas plus que Joss. Avaient-ils pris leurs quartiers d’hiver au village, d’ailleurs ? Après tout, on n’était qu’à la mi-septembre. Peut-être étaient-ils toujours sur une île au soleil ou en croisière sur un océan quelconque ?

Lorsqu’un témoignage digne de foi rapporta avoir vu la Jaguar vert bouteille du couple anglo-néerlandais quelques jours auparavant, leur absence commença à paraître louche.

Cette information, recueillie par le Capitaine Soubeyrol, renforça la conviction populaire : c’était autour du Manoir de la Barrière qu’il fallait chercher la clé du mystère !

Devant le mutisme des forces de l’ordre, l’opinion publique, emmenée par un quarteron de résidents de vieille souche, revanchards et xénophobes, décida de prendre les choses en main et de mener contre-enquête. On allait voir ce qu’on allait voir ! Ce mystère ne leur résisterait pas longtemps.

À leur tête se trouvait Goulvestre Le Sénéchal, qui déduisait de son nom de famille une ascendance prestigieuse qu’aucun arbre généalogique ne venait corroborer. C’était le Receveur des Postes. Il y avait aussi Mademoiselle de Carignan, Coralie de son prénom, vieille fille montée en graine, qui consacrait sa vie à nourrir les chats errants, Gonzague Porthus, pharmacien qui se prétendait encore apothicaire, c’est vous dire sa modernité, et Pierre Godefroy, un restaurateur de la place, aux étonnantes moustaches en guidon de vélo !

Cette équipe élut quartier général dans l’arrière-salle de l’auberge et tint séance tenante son premier conseil : il fut décidé d’ouvrir l’œil, en organisant, chaque nuit, des rondes en binôme toutes les deux heures. On vit donc, ce premier soir, à minuit, deux heures, quatre heures et six heures du matin, Godefroy flanqué de Coralie, couple des plus improbables vu que l’une était aussi grande que l’autre était rond, et le Receveur, suivi à petite distance de Porthus, qui traînait la jambe, parcourir le village, gourdin en main et sifflet en bouche, tels des « serenos »(1) castillans expatriés en terre limousine, prêts à fondre sur tout danger qui ne fût pas trop grand.

C’était une nuit claire, étoilée ; l’air, rafraîchi, exhalait les dernières senteurs de l’été : une belle soirée ! Hélas, mis à part quelques chats sur lesquels Coralie s’apitoya, un ivrogne face contre terre qu’ils adossèrent plus confortablement contre un mur et ce noctambule invétéré de Lorféon et sa saucisse sur pattes de basset artésien, aucune des deux équipes ne vit rien d’anormal. Nib. Chou blanc sur toute la ligne.

Le jour se leva sur une population encore plus remplie de perplexité et d’inquiétude que la veille.

V

Au petit matin, les investigations reprirent dans le village. Sur la foi du renseignement recueilli par le Capitaine Soubeyrol, une équipe se rendit au manoir de la Barrière. Tous les volets étaient clos et les pandores durent se faire ouvrir la demeure avec l’aide de la voisine qui gardait un jeu de clés. Celle-ci n’avait pas vu les propriétaires, mais, bien entendu, ils possédaient chacun leur trousseau.

Quel ne fut pas l’effarement des gendarmes de découvrir dans le jacuzzi attenant à la piscine, tel Marat dans sa baignoire, le cadavre de Joss Vanderlaeren, un large blessure d'arme blanche au niveau du cœur ! Celle-ci, un couteau à émincer, gisait au fond du bassin. Mort et plus que mort. Le corps était déjà froid. La bonde avait été retirée, l’arrivée d’eau fermée, et le sang de la victime s’était écoulé dans le trop-plein de la piscine à débordement voisine. Comment ce sang avait-il pu colorer de manière transitoire l’eau des bassins de la fontaine proche, c’était un mystère ! Mais dans ces villages anciens, les réseaux présentent bien des anomalies et tous les branchements, non seulement ne sont pas aux normes, mais font parfois fi de la légalité.

Aucune trace du reste de la famille. La voiture était dans le garage. Les valises défaites. Les brosses à dents dans les verres. Un branle-bas de combat général fut lancé. Cette fois, il y avait cadavre, disparition et selon toute vraisemblance, enlèvement ! Ça commençait à faire beaucoup !

Le Capitaine Florence Mangin, après de brillantes études de psychologie, avait passé et réussi le concours de l’ENSOP et, à sa sortie de l’École de Cannes-Écluse, s’était spécialisée dans la criminologie, et plus particulièrement celle des tueurs en série au GAC de Rosny-sous-Bois. Avec le temps, elle était devenue l’une des quatre ou cinq spécialistes féminines de cette problématique dans la Gendarmerie Nationale. La quarantaine avenante, parfois séductrice, elle avait l’art des questions qui vont droit au but et pointent là où ça fait mal. Au dernier moment, elle fut adjointe au groupe du GIR dépêché de Limoges.

Deux heures plus tard, les « combinaisons blanches » opéraient leurs premières constatations et prélèvements. Le légiste délivra quelques informations : le suicide était à écarter, dit-il, la victime étant gauchère et le coup ayant été porté de la main droite.

— Comment pouvez-vous dire ça aussi vite, docteur ?

— Qu’il était gaucher ? Très simple. La présence d’une callosité sur la le côté droit de son majeur gauche nous indique que ce monsieur tenait son stylo préférentiellement de cette main.

— Wouah ! Et que le coup a été porté par un droitier ?

— Ça, c’est un peu plus compliqué. Il faut examiner les lèvres de la blessure. Elles sont différentes dans l’un et l’autre cas. Je n’entre pas dans les détails techniques... Ce sera dans mon rapport.

Étant donné l’arme utilisée, un couteau à émincer de cuisinier, sans doute emprunté à l’espace barbecue tout proche, la profileuse tendait à écarter un criminel voyageur, qui préfère en général une arme plus facile à dissimuler. Elle penchait pour une piste locale, très locale même.

Rien ne semblait avoir été volé. Déformation professionnelle ou intuition confortée par le physique et le passé de l'épouse enlevée, elle fit rechercher dans les fichiers, sur les cinq dernières années, tous les meurtres par arme blanche commis par des délinquants sexuels. Trente fiches apparurent sur le territoire français, quinze dans la moitié sud du pays. Mais aucun des quinze fichés du sud ne résidait dans les environs.

On se trouvait sans doute en présence d’un « nouveau » criminel, voire un criminel d’occasion, de circonstance. La disparition du reste de la famille pouvait faire penser à un enlèvement, contrarié par le mari, qui avait payé de sa vie sa présence importune. En tout cas, le seul coup porté avait été fatal ! Une certaine force donc, ou au moins beaucoup de détermination. Et, étant donné l’angle de pénétration de l’arme, l’agresseur devait être de taille moyenne, moins de 1,70 m. L’expression du cadavre fut le second élément qui interpella le Capitaine Mangin. Bouche et yeux grands ouverts, Joss Vanderlaeren manifestait une infinie surprise – on le serait à moins – mais ni crainte ni frayeur. Connaissait-il son agresseur ? La mort avait été instantanée ou presque – cœur transpercé de part en part – et les empreintes des chaussures de l’assassin étaient absentes du plancher en teck, sur le pourtour de la piscine.

En fin de matinée, une fois les techniciens de la BRIJ repartis vers leur base, se tint en Mairie une assemblée de crise réunissant Monsieur le Maire et ses dix conseillers, le Capitaine Mangin et les trois hommes de son équipe, le Major commandant la Brigade de Meyssac et son Adjoint, le Capitaine Soubeyrol. L’atmosphère était tendue et les nerfs à fleur de peau.

— Monsieur le Maire, que comptez-vous faire pour ramener la sécurité dans le village, vous avez vu qu’une sorte de milice d’autodéfense s’est constituée et a opéré des rondes cette nuit ?, attaqua un conseiller d’opposition, d’une voix perchée et impatiente.

— Oui, calmez-vous, je suis au courant, merci, et j’ai même rappelé au responsable autoproclamé les limites légales de l’exercice.

— Ça n’a servi à rien, cette surveillance a bien été déjouée, reprit le contradicteur, acerbe.

— En effet, et ceci nous amène à penser que le criminel connaît bien les lieux et le contexte local, intervint le Capitaine Mangin. Étant donné la rigidité presque maximale du cadavre lors des constatations, le légiste situe le meurtre dans une fourchette de six à huit heures avant son examen.

— C’est-à-dire ?

— Entre minuit et deux heures du matin. Il faut attendre les résultats de l’autopsie pour plus de précisions.

— Dès que la presse va éventer cette affaire, des hordes de curieux vont défiler par ici, intervint un autre conseiller.

— Tranquillisez-vous, nous allons mettre en place un dispositif de sécurité pour les tenir à distance, coupa le Commandant de la Brigade.

— Peut-être, mais il faut quand même préserver l’accueil des touristes ; n’oubliez pas que c’est ce qui nous fait vivre, reprit un conseiller commerçant.

— L’urgence, c’est de retrouver l’épouse de la victime et ses enfants, intervint le Capitaine Mangin. Ont-ils été enlevés par le meurtrier ? Je suis très inquiète. Si la cible était la femme de Joss Vanderlaeren et le mobile sexuel, je doute fort que l’assassin s’encombre des deux enfants. Cette affaire s’avère complexe et mystérieuse.

— Un signalement et un avis de recherches national vont être lancés dès que nous aurons les photos nécessaires. Nous attendons la commission rogatoire du Juge pour fouiller le Manoir de la Barrière. Je suppose que nous en trouverons là-bas.

— Et ça va durer combien de temps tout ce cirque ?, éclata un conseiller qui contenait sa colère depuis un moment.

— À situation exceptionnelle, dispositif d’exception. C’est l’affaire de quelques jours, pas plus, j’en suis persuadé, enchaîna le Commandant de la Brigade et je demande la collaboration de tous.

— Vous l’avez, trancha Monsieur le Maire, d’un ton péremptoire.

— Bien, dans ce cas, je crois que nous pouvons lever la séance pour aujourd’hui ; mesdames, messieurs, à demain, même heure, sauf imprévu d’importance.

VI

À une vingtaine de kilomètres de là, vers l’Ouest, un abri sous roche connu depuis les temps préhistoriques était le théâtre d’un drame poignant. Au milieu de la nuit, un petit utilitaire d’artisan avait remonté la rampe d’accès caillouteuse qui menait au terre-plein et trois personnes en étaient descendues, mains entravées et yeux bandés : une femme et deux enfants, houspillés par un homme trapu au regard illuminé. Au siècle dernier, le fond de la grotte avait été fermé par le propriétaire du lieu à l’aide d’une cloison de bois, pour y entreposer divers matériels. Une porte métallique cadenassée en condamnait l’accès. C’est là qu’il attacha à des anneaux scellés dans le roc, au fond d’espèces de box, cloisonnés de planches, la mère dans l’un, le frère et la sœur dans l’autre.

— Je vous en supplie, ne leur faites pas de mal, je ferai ce que vous voudrez, libérez-les, s’il vous plaît... gémit Annelore, secouée de tremblements incoercibles, dans son français teinté d’accent hollandais.

— Silence, Wanda, je verrai, il est possible que je les libère, cela va dépendre de toi, mais pour l’instant, il vaut mieux qu’ils restent ici.

Les deux enfants, serrés l’un contre l’autre, sanglotaient, tremblants de peur, recroquevillés contre la cloison de bois qui les séparait de leur mère.

Leur ravisseur jeta dans chacun des box une couverture mitée.

— Je ne peux pas rester maintenant. Je reviendrai bientôt. Inutile de vous agiter : il n’y a personne à moins d’un kilomètre d’ici. Soyez sages, mes jolis...

Les prisonniers entendirent le cliquetis d’un cadenas à combinaison que l’on enclenche, puis la voiture s’éloigna dans la nuit et l’obscurité se referma sur leurs larmes. Annelore, libérée du fardeau de l’angoisse, éclata en longs sanglots convulsifs, accompagnés par ceux plus plaintifs de ses enfants.

— On est où, maman, finit par demander le garçon ? Pourquoi il t’a appelée Wanda, ce type ?

Annelore, qui n’avait pas relevé ce détail, comprit alors que ce qu’elle avait toujours craint était arrivé : son passé sulfureux l’avait rattrapée !

— Je ne sais pas, un fantasme, sans doute. On doit être dans une cave, ça sent un peu l’humidité.

L’enfant se retint de demander à sa mère ce qu’était un « fantasme ». Ça devait se rapprocher de « fantôme », non ?

— Non, maman, on n’a pas descendu de marches.

— C’est vrai, tu as raison, Joris. Une grange ou une grotte, alors peut-être. Il y en a beaucoup dans la région. Le sol, on dirait de la terre ou du sable. Si je pouvais enlever mon bandeau...

— En frottant ta tête contre la cloison, peut-être, reprit le garçon...

Annelore, une fois de plus, fut surprise par le sens pratique et l’ingéniosité de son fils, qui devait tenir cela de son père. Elle mit aussitôt à l’œuvre ce judicieux conseil, tentant de faire remonter le nœud serré du bandeau vers le haut de sa nuque. Au bout de quelques minutes, elle s’écria :

— Ça y est ! On est dans une espèce de grotte, au fond de boxes en bois, fermés par une cloison de planches à claire-voie et une porte métallique grillagée avec un cadenas à combinaison. Mais ma chaîne est trop courte pour aller jusque-là.

— Essaie de remettre ton bandeau, maman, pour qu’il ne s’aperçoive de rien. Ça pourrait l’énerver !

— Oui, oui, tu as raison.

Jana, la sœur cadette de Joris, restée silencieuse jusqu’à ce moment, jubila soudain :

— J’ai réussi ! J’ai réussi, en faisant mes mains toutes petites, j’ai réussi à les sortir des anneaux des menottes !

— Super ! dirent Joris et Annelore à l’unisson. C’est logique, tes poignets sont plus petits que les miens, il a dû serrer jusqu’au dernier cran, mais c’est pas vraiment prévu pour les enfants. Moi, ça coince trop, j’ai essayé, mais pas moyen, poursuivit son frère.

— Va jusqu’à la porte, passe tes mains à travers le grillage si tu peux et tente de manœuvrer le cadenas. Tu fais tourner les trois molettes d’un cran à chaque fois, en partant du zéro : 000, 001, 002, ainsi de suite jusqu’au 9. Avec un peu de chance, ça peut le faire.

— Maman, ça va prendre beaucoup trop longtemps, il y a mille combinaisons possibles !

— Mille ? Comment tu sais ça, toi ?

— On a vu ça en maths, c’est 103. Non, j’ai un meilleur truc, je l’ai vu sur YouTube, mais il faut un peu de force. Essaie de me libérer d’abord, Jana.

La petite s’exécuta, mais les poignets de Joris étaient bien enserrés dans les anneaux de ses menottes, impossible de les dégager sans la clé qui les ouvrait. Il eut soudain une idée. Sa mère avait les cheveux relevés en chignon. Ça pouvait marcher.

— Maman, dit-il, est-ce que tu as des épingles à cheveux sur toi ?

— Oui, plusieurs, pour tenir mon chignon.

— Passe-m’en deux à travers la cloison, si tu peux les prendre, je vais essayer d’ouvrir mes menottes avec.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Annelore courba la tête sur ses genoux, tentant de retirer de ses mains entravées deux des épingles de son chignon. Elle y parvint à son troisième essai et les passa aussitôt à son fils. L’enfant retira d’abord l’embout plastique de la première pince, l’ouvrit et en recourba l’extrémité en l’insérant entre deux interstices du bois de la cloison, de façon à obtenir un crochet de trois ou quatre millimètres de haut. La tige de métal passait juste entre le bord du trou de la clé et l’axe de celle-ci. Il commença à tourner le crochet, dans un sens, puis dans l’autre, tentant d’accrocher le cliquet qui bloquait la menotte. L’épingle avait tendance à tourner dans sa main et il dut s’y reprendre plusieurs fois avant qu’un petit déclic se fasse entendre et libère sa première main. C’était beaucoup plus facile maintenant pour la seconde. En cinq minutes, il fut libéré.

— Ça y est, maman, je me suis détaché, je vais faire les tiennes maintenant. J’arrive !

Hélas, un bruit de moteur s’était fait entendre. Et des pas résonnaient sur les silex de la montée. Trop tard, il n’avait plus le temps.

— Jana, baisse ton bandeau et repasse tes mains dans tes menottes, je vais faire pareil pour qu’il ne s’aperçoive de rien, mais sans les bloquer.

— Surtout, les enfants, restez tranquilles, quoi qu’il me fasse, dit Annelore en se tordant les poignets convulsivement.

...

— Me revoilà. Alors, mes jolis, on a été sages ? Vous devez avoir soif, tenez, je vous ai apporté à boire.

Il tendait à chacun une petite bouteille d’eau qu’il venait d’ouvrir. Malgré leur méfiance, les enfants ne purent résister et s’en saisirent de leurs mains supposément entravées. Ils burent à grandes goulées. Le liquide avait un goût bizarre. Bientôt, ils sentirent qu’ils perdaient contact avec la réalité. Dans une sorte de voile cotonneux, ils entendirent encore qu’une voix doucereuse leur disait :

— Faites de beaux rêves...

— À nous deux, maintenant, ma toute belle, dit le ravisseur en passant dans le box d’Annelore. Il sortit une petite clé de sa poche et ouvrit ses menottes. Recroquevillée contre la cloison, Annelore tremblait de tous ses membres.

— Déshabille-toi !

La voix était blanche, tranchante, impérieuse. Elle y céda.

C’était la fin de l’été. Elle ne portait qu’un tee-shirt échancré, un short à poches multiples et des baskets.

Elle baissa son short : un string rouge apparut. Ce fut le signal.

Dans un geste brusque, l’homme se dégrafa, son sexe dressé en avant et se rua sur sa proie sur laquelle sa masse imposante s’affala.

D’une main, il arracha le triangle rouge, et s’enfonça sans ménagement dans sa victime, en soufflant bruyamment.

Annelore était dans un état second, comme hors de son corps, abandonnée à son ravisseur, seul son esprit résistait encore.

Ce fut bref.

Ahanant sur elle, une main sur son bâillon par sécurité, il se libéra bientôt avec un cri de bête, avant de se redresser et de se ragrafer.

— Toi, t’es trop bonne, il faut que je te garde encore un peu.

Annelore s’était évanouie. Il la rattacha, la rajusta, avant de charger les enfants endormis un par un sur ses épaules pour les déposer dans sa camionnette.

— Ces deux-là, je vais les balancer dans un ravin par là, ni vu ni connu.

VII

Les quinze fiches des délinquants sexuels du secteur étalées sur son bureau, Florence Mangin réfléchissait. On en avait logé treize ; trois encore en prison, cinq interdits de séjour dans le département et cinq autres tranquilles depuis la fin de leur peine. Leurs alibis tenaient. Il en restait deux. Absents à leur dernière adresse connue, un avis de recherches avait été lancé et leur photo transmise à toutes les brigades. Il fallait attendre, mais cela lui pesait un peu plus à chaque heure qui passait sans information nouvelle.

Elle examina la première des deux fiches restantes : c’était celle d’un pédophile, ex-instituteur des environs, dénoncé par des élèves devenus adultes. À sa sortie de prison, il avait disparu au volant d’un camping-car, plus de dix-huit mois auparavant. Elle n’y croyait pas trop.

L’autre fiche était celle d’un violeur récidiviste, que la presse avait affublé du qualificatif « du violeur aux volets clos », car il s’introduisait chez ses victimes en été, à l’heure de la sieste, quand on tire les volets, fenêtres ouvertes, pour garder la fraîcheur à l’intérieur des maisons. Mais l’enlèvement n’était pas son mode opératoire habituel. D’ordinaire, il sévissait sur place.

En l’absence de revendication, c’était une des principales difficultés du dossier : ne pas savoir si le ravisseur en voulait à l’argent de la famille, aux enfants, à la femme, ou à tout cela en même temps ! Il était possible qu’elle se trompe complètement de profil et de cible, mais elle avait décidé, dans un premier temps, de suivre son instinct et celui-ci lui disait qu’il y avait une motivation sexuelle à tout cela ! La présence du mari avait sans doute contrarié les plans du ravisseur, qui n’avait pas voulu renoncer à sa proie et s’était résolu à enlever la famille restante de manière improvisée. C’était un peu improbable, mais le sang-froid n’est pas toujours le propre de ces criminels.

Ce dernier suspect était un ouvrier agricole nommé Edmond Favart, qui travaillait à la tâche chez les producteurs de « vin paillé » des deux cantons de Meyssac et Beaulieu-sur-Dordogne. Dernier domicile connu : Branceilles. À même pas dix kilomètres de Collonges ! On ne l’avait pas trouvé là-bas. Pas étonnant. Après sa première incarcération pour viols, dans les années quatre-vingt-dix, sa femme avait demandé le divorce et ne connaissait pas sa nouvelle adresse. On disait qu’il avait acheté un mobile home d’occasion qu’il tirait avec un vieux tracteur jusqu’aux exploitations où il trouvait de l’embauche. Manque de chance, sa condamnation avait eu lieu avant la mise en service du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques et donc son ADN était inconnu. Impossible de le comparer avec les prélèvements réalisés !

Florence Mangin appela ses hommes au rapport et désigna la fiche épinglée au tableau devant elle :

— Vous concentrez les recherches sur cet homme. Attention, il peut être violent.

Aucun autre véhicule que son tracteur n’était enregistré à son nom, selon la préfecture. Il aurait donc volé une voiture ou une fourgonnette ? On examina les déclarations de vol du mois en cours et du mois précédent, dans le département. Rien. Mais on était en zone limitrophe avec le Lot. On étendit la recherche. Une camionnette d’artisan non siglée avait disparu une semaines avant, une nuit à Condat, à une dizaine de kilomètres de là !

— Les vendanges vont commencer. Vous faites le tour de toutes les exploitations viticoles des communes concernées, en civil et voiture banalisée pour ne pas éveiller l’attention. Il y en a une vingtaine. Vous vous les répartissez. Dès que vous logez notre homme ou son véhicule, vous me prévenez, avant toute intervention. c’est compris ?

Tous les membres du groupe de recherches opinèrent du chef.

— Bon, au boulot ; communications sur le canal 31. Rompez !

VIII

Il ne voulait pas seulement abuser de Wanda une fois et passer à autre chose, non. Wanda, il la voulait à sa disposition jusqu’à ce qu’il s’en lasse, c’est pourquoi il avait pensé à un enlèvement. Il savait où la garder. Mais l’affaire avait mal tourné. Malgré un repérage des lieux en règle. La malchance, quoi ! Il était tombé sur le mari. Ce jour-là, à cette heure-là, d’après ses renseignements, il aurait dû être en réunion au Lion’s Club de Brive ! Pourquoi n’avait-il pas vérifié si sa voiture était au garage ? Contrarié, il n’avait pas supporté cette entrave à son désir exacerbé. Sans réfléchir, il s’était emparé d’un couteau sur le serviteur du barbecue et l’avait planté d’un coup, d’un seul dans la poitrine de Joss Vanderlaeren. Celui-ci n’avait même pas eu le temps de porter les mains à son cœur. Aorte sectionnée, il s’était avachi dans le jacuzzi. Dans un réflexe charitable, Edmond avait débondé l’appareil et fermé l’eau, pour lui éviter une noyade post-mortem, avant de retirer l’arme ! Un flot de sang rouge avait jailli, sans le toucher. Cette fois, il portait des gants fins de latex, pas comme la première, où il avait laissé ses empreintes partout ! On apprend quand même un peu de ses erreurs ! Sa camionnette était à cul devant le portail : alors, il avait ouvert sans bruit la baie coulissante qui donnait dans le salon, le couteau ensanglanté encore à la main.

Wanda lisait une revue, les jambes repliées sous elle, dans le canapé blanc. Elle avait crié ; réveillés en sursaut, les enfants qui dormaient en haut, étaient descendus, apeurés. Il avait poussé tout le monde, sous la menace de son arme jusqu’aux portes arrière ouvertes de son véhicule, leur avait lié les mains et scotché la bouche, avant de les allonger sur le sol et de les recouvrir d’une bâche de chantier. Il avait jeté le couteau dans la piscine, puis avait pris, tous feux éteints, la direction d’Esclauzur. Tout cela en à peine quinze minutes.

À présent, il roulait dans la nuit, réfléchissant à la suite des événements. Avec un second mort sur la conscience, qu’avait-il à perdre ? Si on le rattrapait, il était bon pour perpète ! Mais, au moins, avant, il aurait une compensation ! Et quelle compensation ! Mais pourquoi avait-il embarqué aussi les chiards ? Il donna un coup de poing rageur sur le volant qui lui arracha une grimace de douleur. À chaque fois, c’était pareil. Quand il était trop en manque, ça l’empêchait de réfléchir correctement. Merde !

Ne rien précipiter. Les gosses pouvaient aussi servir de monnaie d’échange, en cas de cavale. Mais, pas de doute, c’était un loupé. Il n’allait quand même pas baiser leur mère devant eux ! Ou bien si ? Un sourire pervers affleura sur son visage. Son beau-père lui avait fait subir bien pire, mais était-ce une raison ? Il faut dire aussi que sa mère n’était pas un cadeau. Il chassa ces images importunes de son passé pour retrouver celle de Wanda. Depuis des années maintenant, la Femme, pour lui, c’était elle. Les autres n’existaient pour ainsi dire pas. Il avait fait une fixation, c’est sûr, mais n’y pouvait plus rien. C’était trop tard. Il fallait aller jusqu’au bout. Advienne que pourra !

IX

Joris reprend conscience le premier. Bandeau sur les yeux, mains attachées dans le dos par un lien autobloquant à usage unique qui lui mord la peau, il sent qu'il se trouve sur le plancher d'un véhicule qui roule, mais pas au contact direct de la tôle, un carton sans doute. À ses côtés, un corps inanimé recroquevillé : Jana ! Ils sont dans la camionnette ! L'homme roule assez vite et la route doit être sinueuse : leurs corps sont ballottés d'un côté à l'autre de l'habitacle à chaque virage serré. Soudain, un coup de frein, puis des portières qui s'ouvrent. Il entend qu'on tire Jana par les pieds, elle gémit faiblement.

Edmond Favart a chargé la fillette sur son épaule gauche et s'approche du ravin qui descend jusqu'au ruisseau en contrebas : des fougères, des ronces et un taillis de feuillus divers, d'où émergent quelques pins et épicéas. Il entre dans les fougères et fait rouler son fardeau sans ménagement. Puis, remonte jusqu'à son véhicule et recommence avec le garçon. Il est plus lourd, alors, il s'en libère du haut du talus, quelques mètres plus loin que sa sœur. En repartant, le faisceau de ses phares, dans la manœuvre, balaie la zone : déjà les fougères se relèvent et font disparaître les traces de son méfait. Un sourire sardonique apparaît sur son visage : avant qu'on ne retrouve ces deux-là, les rapaces les auront bouffés !

Joris a repris pleine conscience sous la douleur de la chute. Heureusement que sa tête n'a pas porté contre le sol, car il sent des cailloux sous lui, plus de cailloux que d'humus, lui semble-t-il. Il tente de se retourner, sans dévaler plus bas ; ses doigts tâtent avec fébrilité les pierres environnantes ; s'il pouvait trouver un silex, peut-être parviendrait-il à trancher son lien ? Soudain, il perçoit un objet différent, le matériau est lisse, il semble y avoir des bords coupants et une protubérance bombée. Il tarde un peu à comprendre. Un cul de bouteille ! Eurêka ! Il faut maintenant qu'il réussisse à entailler son lien sans s'ouvrir les veines ! Serrant du mieux qu'il peut sa découverte entre ses pieds, il descend sur le dos plusieurs mètres dans les fougères : il lui faudrait un petit rocher, un arbre ou un gros arbuste pour caler le cul de bouteille, sinon il va rouler dans la pente quand il va frotter son lien dessus ! C'est un gros caillou qui se présente le premier, le tesson en fait un peu les frais, mais cela crée une nouvelle arête vive : elle est plus tranchante que les autres. Il lui faut maintenant se mettre en position et ce n'est pas le plus facile. La pente est vive. De ses doigts engourdis, il explore la face du roc contre lequel il est maintenant assis ; il tâte à présent comme une fente, une entaille verticale à demi-couverte de mousse et de lichens : s'il pouvait y coincer son tesson de bouteille !

Il faudra à l'enfant une bonne dizaine de minutes et plusieurs légères coupures pour y parvenir. Il célèbre cette première victoire par quelques instants de pause, surtout pour lutter contre la tétanisation qui le gagne. Ouf ! À présent, ce n'est plus qu'une question de patience : entailler avec minutie son lien en frottant ses mains contre le bord tranchant du tesson, sans déloger celui-ci de la crevasse où il l'a coincé. Difficile entreprise, mais il n'a pas le choix.

La première tentative échoue : au bout de quelques secondes de va-et-vient de ses mains liées, ça dérape, le plastique du lien est dur et il ressent une douleur nouvelle au poignet gauche, il a failli se taillader une veine ! Le temps d'apprendre à supporter le mal, il réessaie : cette fois, il a relevé davantage ses poignets et présente le bord étroit du lien contre l'arête tranchante du verre. Ça a l'air de marcher ! Il ne résiste pas à la curiosité de tâter avec un doigt : effectivement, il perçoit une petite entaille ! Troisième essai. Heureusement, il n'a pas bougé son corps ; peut-être a-t-il une chance de frotter au même endroit. Pendant une vingtaine de secondes, il essaie encore. Impossible de poursuivre, ses muscles sont trop contractés. Il réfléchit. Depuis un moment, sous ses fesses, il perçoit comme un bâton, un bout de bois gros comme deux doigts à peu près. Il s'en empare péniblement et le tâte. Il ne semble pas trop sec. S'il pouvait l'introduire entre ses deux poignets et faire levier d'une manière ou d'une autre, peut-être le lien entaillé céderait-il ?

Après trois essais infructueux, il parvient effectivement à glisser le bâton entre ses poignets liés et à en saisir l'extrémité avec sa main gauche ! De toutes ses forces, il fait pression sur son lien. Rien. Il tâte à nouveau d'un doigt l'entaille : un millimètre ou deux, au mieux, sur un centimètre ou pas loin de largeur totale. Il désespère de parvenir à se libérer. Et avant le jour, peu de chances qu'on passe par ici ! La fraîcheur de la nuit leur tombe sur les épaules. Lui, frissonne déjà. Il s'inquiète surtout pour Jana. Soudain, il l'entend gémir, quelques mètres à sa droite. Des gémissements étouffés par son bâillon. Au moins, elle est vivante, mais blessée sans doute. La nécessité de lui venir en aide lui redonne le courage qui lui manquait. Par chance, le tesson de bouteille est toujours en place dans sa crevasse de rocher. Il se remet en position et tente à nouveau de couper son lien. Deux nouvelles tentatives, entrecoupées d'un temps de repos et c'est enfin le succès de l'obstination !

Il s'est coupé dans l'affaire et le sang coule de son poignet gauche : avec son bandeau, il tente, tant bien que mal, d'arrêter l'hémorragie, avant de partir à la recherche de Jana. Il l'appelle. Elle gémit plus fort sur sa droite, un peu en contrebas. S'accrochant aux branches qu'il peut saisir ici ou là, il approche et la trouve enfin.

Libérée de son bâillon, elle pleure et tremble, de peur, de froid, d'émotion. Il l'étreint.

— Ne pleure plus, je suis là, on va s'en sortir. Tu as mal où ?

Mon bras, là, dit-elle.

C'est son bras gauche, celui qui a dû porter, lors de sa chute dans les broussailles. Tâtant le membre avec précaution, il ne perçoit aucun os saillant. Si c'est une fracture, elle n'est pas ouverte, en tout cas. Il a pensé, avant de descendre, à décoincer, avec le bâton, le tesson de bouteille tranchant, qu'il a mis dans sa poche. Il peut donc entreprendre de libérer Jana de son lien, étroitement serré comme le sien. Leur ravisseur ne voulait sans doute pas abandonner ses menottes dans la nature !

Tirant, poussant sa petite sœur épuisée vers le haut de la ravine, Joris, au prix d'efforts incroyables, remonte jusqu'à la berme herbeuse de la route. Là, les deux enfants s'effondrent, dans la rosée du matin : Joris a perdu pas mal de sang et Jana s'est évanouie de douleur.

C'est la camionnette du boulanger de Chasteaux, conduite par son mitron, qui les surprendra dans ses phares, dans le virage, une heure plus tard, au début de sa tournée sur la D 158. Il est sept heures ; par chance, le téléphone portable du jeune homme lui permet de prévenir aussitôt les secours de Brive, à quinze kilomètres de là. Trente minutes plus tard, ils sont pris en charge à l'hôpital : hypothermie, plus une épaule démise pour Jana et des contusions multiples pour Joris.

X

Toute l'équipe de gendarmes était sur le pied de guerre : tous les véhicules banalisés disponibles furent lancés sur les routes des alentours. Suivant l'idée du capitaine Mangin, reprise par Soubeyrol, le suspect n'ayant pas de véhicule personnel, hormis son tracteur, il devait encore circuler dans le véhicule dérobé à Condat, quelques jours avant l'enlèvement. En tout cas, on n'avait pas retrouvé celui-ci et aucun autre vol n'avait été signalé. Des barrages équipés de herses furent mis en place sur les principales départementales autour de Collonges, à une distance qui fut difficile à déterminer, mais qu'on fixa arbitrairement à vingt kilomètres, en pensant que l'homme était un loup solitaire qui rechignerait à s'éloigner de son territoire.

Le meurtre de Joss Vanderlaeren et l'enlèvement du reste de la famille avaient eu lieu vingt heures auparavant. C'était beaucoup. L'expérience montrait que dans les cas d'enlèvement, chaque heure qui passait diminuait les chances de survie des victimes.

Le problème posé était double : Edmond Favart connaissait parfaitement la contrée où il avait toujours vécu et celle-ci regorgeait de cachettes possibles : de nombreuses zones boisées, des grottes naturelles, des abris troglodytiques, des masures inhabitées... Si l'on y ajoutait un relief accidenté, cela donnait un ensemble peu favorable aux poursuivants. Il faudrait un peu de chance aux forces de l'ordre pour aboutir rapidement. Et on ne pouvait pas lancer un ratissage sur un secteur aussi étendu. Il leur fallait un indice supplémentaire.

C'est alors que la cellule de crise décida de recourir au plan alerte enlèvement. Jusqu'alors, il avait presque toujours abouti à un résultat positif, mais cette fois, il était lancé bien tard et dans un contexte différent : celui d'un meurtre.

Des bandeaux informatifs défilèrent bientôt sur tous les écrans, téléphones, tablettes, téléviseurs, autoroutes, villes et villages ; toutes les radios relayèrent aussi le message : "deux enfants, garçon et fille, dix et sept ans, Joris et Jana Vanderlaeren, ont été enlevés avec leur mère, hier dans la nuit, au domicile de la famille, au bourg de Collonges-la-Rouge, par un homme d'une quarantaine d'années, brun, trapu, sans doute au volant d'une camionnette volée Renault Express blanche, immatriculée 325 XY 46. Ils sont vêtus pour le garçon d'un pyjama en jersey bleu nuit, pour la fille d'une chemise de nuit à fleurs. Pieds nus. Leur mère Annelore est grande, blonde paille, yeux bleus lavande. Sa tenue n'est pas connue. L'homme peut être armé ; il est dangereux. Toute personne pouvant fournir un renseignement à leur sujet doit immédiatement appeler l'un des deux numéros de téléphone qui s'affichent maintenant : 03 XX XX XX XX ou 03 XX XX XX XX.

C'est le mitron du boulanger, alors qu'il poursuivait sa tournée autour de Chasteaux, après le départ des secours pour l'hôpital de Brive, qui croisa le premier le véhicule dont la radio venait de donner l'immatriculation. Il voulut composer aussitôt sur son portable l'un des deux numéros d'appel fournis, mais impossible de se souvenir des quatre derniers chiffres ! Trop focalisé sur l'immatriculation ! Il fit néanmoins deux tentatives au hasard, infructueuses, hélas. Alors, attendre la rediffusion du message, mais dans combien de temps ? Enfin, il eut la présence d'esprit de rechercher sur son smartphone l'alerte enlèvement qui venait d'être lancée et, là, trouva, le numéro recherché.

Une sonnerie retentit :

— Alerte enlèvement Corrèze, j'écoute...

— Je crois que je viens de croiser le véhicule que vous recherchez.

— Vous avez pu noter l'immatriculation ?

— Celle que vous avez donnée, 325 XY 46.

— C'était où ?

— Sur la D 158, Larche-Montplaisir avant Lissac-sur-Couze, kilomètre 12.

— Comment pouvez-vous être aussi précis ?

— Je suis arrêté devant la borne kilométrique.

— OK. Dans quel sens allait le véhicule ?

— Vers Lissac.

— Qui conduisait ?

— Un homme, je pense, mais il faisait encore nuit.

— Très bien. Merci de votre appel.

Une batterie de téléphones se mit en branle aussitôt. Mangin, Soubeyrol, le Préfet, le Maire décrochèrent :

— Un signalement du véhicule volé à Condat sur la D158, kilomètre 12, en direction de Larche.

Soubeyrol regarda la carte et répondit le premier :

— On resserre le dispositif à 10 km autour de Lissac. Je veux dans l'heure qui vient la position de toutes les maisons inhabitées, les grottes, abris sous roche et autres cachettes possibles dans le périmètre. Survol de la zone en hélico.

— Compris.

À l'hôpital de Brive, Joris avait été transfusé et l'épaule de Jana remise en place assez aisément. Le garçon, dès qu'il fut conscient, commença à s'agiter :

— Il faut délivrer maman, celui qui nous a enlevés lui fait du mal !

Le cadre de santé du service appela aussitôt la Gendarmerie, qui relaya l'appel vers la cellule de recherches. Florence Mangin demanda à parler au garçon :

— Tu sais où elle est retenue, ta maman, Joris ?

— C'est une espèce de grotte, pas très loin du ravin où il nous a jetés, Jana et moi, parce qu'on n'a pas roulé longtemps. Dix, quinze minutes, peut-être. J'ai compté dans ma tête treize fois jusqu'à soixante.

— Ça nous aide beaucoup, Joris. Merci. On va la retrouver, tu sais.

La voix du garçon chevrotait à présent :

— Je vous en supplie, faites vite, j'ai trop peur....

XI

Edmond Favart approchait de sa destination et l'excitation montait en lui à la pensée de "baiser" à nouveau Wanda. Plus que deux kilomètres avant l'abri sous roche qu'il avait investi à l'insu de son propriétaire, grabataire dans un hôpital de la région.

Soudain, un ronronnement sourd venu du ciel, lui fit lever la tête : merde, un hélico, ils sont à mes trousses, j'aurais dû changer de voiture... Heureusement la route jusqu'à Wanda est sinueuse et boisée. Tant pis, j'abandonnerai le véhicule près de la rivière et je ferai le reste à pied. Avant qu'on me retrouve, il sera trop tard...

À deux cents mètres du lieudit, il cacha la fourgonnette dans un bosquet au bord de la rivière, avant le pont et prit, en sens opposé, le chemin qui montait vers la roche. C'était un sentier carrossable, bordé de murets de pierres, sur lesquels avaient poussé des chênes rabougris et noueux, des genévriers, des épines et des ajoncs qui n'offraient pas trop de protection à la vue. Il se mit au pas de course. Il atteignit bientôt la rampe caillouteuse qui s'élevait jusqu'à l'abri.

Annelore, en sanglots, depuis le départ de ses enfants, reconnut le pas lourd de son ravisseur et se rencogna d'instinct contre les planches de son bat-flanc. Elle aurait voulu rentrer sous terre ou mourir dans l'instant ! Il approchait...

— C'est moi, ma toute belle. Nous voilà seuls, à présent...

Il avait relevé le bâillon de sa prisonnière qui éclata aussitôt, d'une voix pleine de violence :

— Monstre ! Qu'avez-vous fait de mes enfants ?

— Quelque part par là, dans la nature...

Elle ne put en dire davantage, car craignant, dans cet abri sous roche, l'écho de la fureur de la Hollandaise, Edmond Favart la bâillonna à nouveau.

— J'aurais voulu que nous passions du temps ensemble, tu aurais appris à me connaître, mais les choses ont mal tourné et je sens que la fin est proche. C'est donc notre dernière fois, mais je veux que ce soit un feu d'artifice.

Edmond Favart déploya sur le sol la couverture mitée qu'il avait lancée à sa prisonnière lors de son arrivée et la glissa sous elle , puis il la déchaussa et ôta short et culotte à la jeune femme, malgré les coups de pied qu'elle tentait de lui porter.

— Tiens-toi tranquille ! Tu sais bien que ça ne sert à rien. Allez, ça va être ta fête... Je suis sûr que tu vas aimer ça...

À présent, il desserrait sa ceinture et se débraguettait avec précipitation.

Il venait de se jeter sur elle, quand une voix tonna dans son dos.

— Debout, Favart !

Il se redressa lentement, avant de se retourner, sexe à demi bandé, bras ballants, regard hébété. Trois gendarmes pointaient leur arme dans sa direction, pendant qu'un quatrième courait délivrer Annelore de ses entraves et la dérobait à la vue de tous avec une couverture de survie.

— C'est fini, Favart. Reculottez-vous, Bon Dieu !

Il s'exécuta avec lenteur, le regard provocant.

— Je venais à peine de commencer ! Vous êtes arrivé un quart d'heure trop tôt, Capitaine. Dommage ! Mais c'est mieux ainsi, ça aurait sûrement mal fini, autrement.

Il tendait ses poignets aux bracelets nickelés, soulagé, d'une certaine manière, d'être délivré de la tentation. Ce voisinage de tous les jours avec Wanda, c'était devenu invivable !

XII

Favart était un récidiviste. Certes, il avait payé sa dette envers la société - douze ans d'emprisonnement - et son suivi socio-judiciaire de cinq ans était révolu. Mais un signalement pour agression sexuelle postérieur n'avait pas eu de suite et l'obligation de soins qui lui avait été enjointe n'avait été respectée que très partiellement, pendant sa peine et juste après sa libération. C'est fréquent, hélas ; faute de moyens suffisants, la Justice pare au plus pressé, gère l'urgence et laisse filer le reste.

Son procès pour meurtre sans préméditation, viol, tentative de viol, enlèvements et séquestrations qui vient de se tenir à Tulle où siège la Cour d'Assises de Corrèze a fait du bruit dans la région, pour de mauvaises raisons. Figurez-vous que la défense du prévenu, tentant de prouver, comme souvent, que la victime du viol avait, peu ou prou, cherché ce qui lui était arrivé, s'était mis en tête de produire, comme pièces à conviction, des extraits des films tournés par Wanda/Annelore ! Et que le Président du Tribunal avait accepté ! Heureusement, le huis-clos fut accordé.

Les psychiatres et psychologues qui ont examiné Edmond Favart ont souligné qu'après son divorce et au fil des ans, il avait eu une sexualité de voyeur, mais que fondamentalement, c'était un prédateur sexuel. En raison de carences affectives et éducatives profondes, son image de la Femme se réduisait à la dualité mère/putain. Lui-même en a convenu.

Cette fois-ci, il a pris la peine maximum, trente ans dont vingt-deux incompressibles. Sortira-t-il inoffensif ? Bien malin qui pourrait le dire.

Il reste que notre commune est maintenant connue dans les annales judiciaires avec cette "Affaire de Collonges-la-Rouge". On s'en serait bien passé. C'est de la mauvaise publicité, quoi qu'on fasse.

Annelore et ses enfants ont quitté la commune. Comment voulez-vous qu'ils supportent le regard des gens ? C'est trop petit ici. On ne peut y vivre dans l'anonymat. Le manoir de la Barrière a été vendu à nouveau. À des Belges, une fois !

Au cimetière, une tombe en granit poli noir intense est fleurie à distance, plusieurs fois par an. Une épitaphe qui nous fera mal longtemps encore y dit : "Il avait choisi ce pays pour y vivre en paix ; il n'a pas été payé de retour".

Tout ceci a laissé des traces, y compris inconscientes. À présent, nous sommes nombreux à regarder chaque matin, de manière réflexe, si l'eau de la fontaine est de la bonne couleur !

(1)Le Vin Paillé de la Corrèze est obtenu à partir de cépages rouges : Cabernet Franc et Cabernet Sauvignon. ou de cépages blancs : Chardonnay, Sauvignon. La récolte des meilleures grappes se fait à la main. Celle-ci sont déposées sur des claies avant d'être mises à sécher dans des locaux aérés naturellement. Lors du passerillage, le raisin perd son eau et se concentre en sucre et arômes. A l'approche de noël, les raisins sont pressés, le Vin Paillé est ensuite élevé pendant 2 ans minimum, puis mis en bouteille. (Source : Syndicat Viticole du Vin Paillé de la Corrèze)

©Pierre-Alain GASSE, mai 2017.

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